Je pénétrais la salle en concert avec les faisceaux de lumière qui se succédaient pour contempler la beauté d’Anastasia ;
Anastasia qui séduisait les cordes par ses touchers, et provoquait l’ivresse de son instrument.
Ses cheveux suivaient son regard, et se plongeait vers ce gémissement divin qui s’incarnait au sortir de ses doigts.
Je pénètre son monde, et tourne autour de sa chaleur ; je ne suis que désir ardent, brûlant les étincelles que j’ai rencontrées en entrant.
La lumière n’importe plus, je suis aveugle, et ne fais que sentir et être ce qui se présente à moi.
Je sors désormais de ses mains, et ne suis que musique, dansant entre l’espace et l’abîme.
Tous ceux à qui il a été donné de m’entendre, m’écouteront, mais moi, insouciant, n’ayant conscience que de la beauté de cette passion qui m’entraîne, je m’envole jusqu’à son cœur,
et m’oublie à sa source, là où nul souvenir n’est nécessaire, là où il n’y a rien à voir.
Anastasia, je suis toi, et tu es moi, je te touche de mes doigts, et l’éternité se rassemble entre mes bras.
Je ne t’approche qu’en musique, et ne m’approche que musique, car tout soupir naissant n’a de sens que de toi, car toute naissance est vie qui meurt en toi, pour renaître.
Je te suis sur les voies de l’ivresse, et me conduis dans les chemins de la folie.
Ta beauté est ma folie, et hors d’elle, je ne trouve vie. Toi, moi et la vie, ne faisons qu’un au soir du délire.
Oui, la nuit va régner, et la ténèbre commence à chanter le goût exquis de notre union.
Un grain de sable se promenait entre les vagues, éparpillé parmi d’autres et retrouvé sur la plage.
Percevant l’horizon et contemplant le soleil, il se dit : « Que sont belles tes étendues, Divine Nature, et que me sont voluptueuses tes communications, d’un univers à un autre tu me déplaces, et à chaque nouveauté un autre monde naît.
Il y a belle lurette quand je fus créé, ton feu ardent me projetait vers l’éther, et l’habit de la terre devenait mien. Cependant, et faute de pureté, nu je me retrouvais, en chute vers ton cœur.
Des lustres passaient et tu me façonnais. À la ressemblance de tes amours, j’étais toujours nouveau, à jamais jeune, comme un enfant qui joue dans le temps sans le savoir.
Ô Divine Nature, ô tendre volupté, tes voies sont insondables et je les suis. Malheureux que je suis, pris par tes eaux, nageant parmi tes courants, quel heur ai-je de ne point comprendre.
Un jour je contribue à tes empreintes, un autre je suis ton fort. Une fois, me croyant noyé, je formais avec mes sœurs une belle toile que l’on pouvait voir de tes astres.
La mer me croit petit, elle ignore que je fais partie de toi. Tant fini que je suis, tout éternel me voilà. Chaque instant m’est une éternité, et chaque instant m’ouvre à toi.
Ah ! Voilà une vague. Viens sœur, allons jouir de l’existence, jouons à être, buvons de l’éternité ».
L’horizon flirtait avec le soleil, et un petit grain de sable s’apprêtait à dormir, pour renaître à nouveau, dans un nouvel univers.