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La théologie contextuelle arabe, MTV (Liban), 09.06.2011

Antoine Fleyfel invité à l’émission “Kitab” sur la chaîne libanaise MTV pour parler de son livre “La théologie contextuelle arabe. Modèle libanais, Paris, L’Harmattan, 2011”, le 9 juin 2011.

La cathédrale coupée en deux, Témoignage chrétien, 09.06.2011

Les schismes des Églises orientales ne cessent de surprendre par leurs subtilités. Ils perdurent dans les textes, les esprits et les espaces, mais aussi dans la pierre. Si la partition confessionnelle du Saint Sépulcre étonne le touriste non avisé, la visite de la cathédrale de saint Nicolas à Sidon (Liban) provoque la stupéfaction des croyants.

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Un mur en pierre taillée jouxte la droite de l’iconostase de la cathédrale grecque orthodoxe de saint Nicolas à Sidon. Un mur, qui ne paye pas de mine, même s’il est décoré d’icônes. Il cache pourtant… la partie catholique de la cathédrale depuis longtemps abandonnée. Ce mur est ainsi le symbole puissant d’un schisme qui a donné naissance à l’Église grecque catholique en 1724. Il incarne les subtilités des divisions des Églises orientales, dans un sanctuaire qui serait la trace la plus ancienne du christianisme au Liban. Effectivement, selon la tradition, la cathédrale actuelle – datant du VIIIe siècle – aurait été bâtie sur les ruines d’une ancienne église que saint Paul aurait visitée en allant de Jérusalem à Antioche.

Une ancienne histoire

Il n’est pas facile de trouver son chemin vers l’ancienne cathédrale. Elle est située dans l’ancien souk de Sidon, encombré et non accessible aux voitures. Les entrées des deux parties de l’édifice sont séparées par plus de trente mètres de souk qu’il faut traverser ; et si l’accès au côté orthodoxe est indiqué, il est nécessaire de s’informer auprès des marchands pour connaître l’emplacement de l’entrée catholique. La cathédrale est tellement encastrée dans les habitations et les boutiques, qu’une infime partie seulement transparaît vers l’extérieur.

Les fidèles des deux communautés ont des points de vue plutôt convergents. Tous manquent d’informations précises sur les débuts de cette querelle qui leur paraît très ancienne. Mais tous espèrent que le mur disparaîtra. Georges (orthodoxe) souhaite la réalisation d’une unité véritable qui « ne dépend malheureusement pas de nous, mais des autorités ecclésiastiques. Nous souhaitons la destruction du mur comme il en a été avec celui de Berlin. Les prêtres devraient nous écouter : nous le peuple voulons la paix, l’unité, la charité, le pardon. Si cela n’en tenait qu’à nous, nous aurions dès à présent démoli le mur. Mais il y a les hiérarchies ecclésiastiques, et la question du mur ne se réduit pas à la pierre, elle évoque le dogme. Cela nous dépasse ». Joseph (catholique) va dans le même sens en disant que le mur divise la religion : « À Sidon, les chrétiens sont très peu nombreux, et la destruction du mur dont j’ignore les origines nous donnera de la force. Distinguer et séparer est un signe de fanatisme, ce que nous devons rejeter en nous unissant ».

Certains fidèles, comme Nadia rencontrée à la porte de la nouvelle cathédrale grecque catholique, ignorent l’existence d’un côté catholique dans l’ancienne cathédrale. D’autres comme Nizar, ne s’y sont jamais rendus.

Mais que s’est-il vraiment passé à cet endroit il y a presque trois siècles ? C’est en 1724 qu’éclate le conflit entre les chrétiens de la ville de Sidon, lorsque l’évêque Aftimos Saïfi et nombre de fidèles quittent l’Église orthodoxe antiochienne et rejoignent la communion catholique. La cathédrale fut le témoin principal de la querelle qui a bien duré, puisqu’elle était le seul sanctuaire disponible dans la région. Il a fallu que l’Empire ottoman intervienne pour trouver une solution à ce différend. Un décret impérial datant du 5 novembre 1819, ordonne la division de l’édifice en deux parties, un tiers pour les grecs orthodoxes et deux tiers pour les grecs catholiques, politiquement plus puissants. Ainsi, on édifie un mur qui isole le bruit et qui sépare les frères d’antan. L’architecture de l’église se trouve défigurée par cette modification, notamment l’autel qui se situait en son milieu et qui a dû être déplacé, et l’iconostase qui a dû être démolie.

En 1895, la communauté grecque catholique se déplace vers une nouvelle cathédrale – qui porte le même nom que l’ancienne ! – et qui est située à quelques centaines de mètres. Cette dernière ne suffisait plus au nombre croissant des fidèles de la communauté et ne s’utilisait que lors des grandes célébrations de l’année. Désaffecté durant plusieurs années, le côté catholique est actuellement en cours de restauration par  la « fondation Hariri », dans le cadre d’un projet culturel et touristique.

Schisme ou diversité ?

Les fidèles des deux communautés trouvent que le mur est une entrave à leur témoignage chrétien, et qu’il est parfois un signe de discrimination et de manque de charité. Nancy (orthodoxe) proteste énergiquement en disant qu’il « est bien temps de détruire ce mur parce que l’unité est une nécessité. Je ne suis pas du tout fanatique, mais il y a des gens fanatiques qui nous regardent d’un œil discriminant parce que nous sommes orthodoxes. Oui, il est vrai que nous sommes très attachés à notre doctrine orthodoxe, mais il est très important que ce mur se détruise parce que le Christ n’a pas dit à ses fils : tu es maronite, tu es orthodoxe, tu es catholique ! ». Emile (catholique) dit dans le même sillage que « ce mur n’aurait jamais dû exister, parce que Dieu nous a donné l’unité, et parce que nous confessons tous le même Christ, maronites, orthodoxes et catholiques. Ce qui nous sépare n’est pas une question de foi, mais des mesures ecclésiastiques ».

C’est en s’adressant aux responsables ecclésiaux que les divergences se manifestent de manière flagrante. Fady, diacre de la cathédrale orthodoxe, rappelle que son Église considère la construction de ce mur comme un schisme. Il trouve que les initiatives sont lentes, et que la volonté de destruction du mur ne dépasse jamais le stade des paroles. Cependant, « même si cela se fait, il faut que les murs qui sont dans les cœurs soient détruits aussi, ces murs qui sont sources de faiblesse dans le témoignage ». Quant au père Joseph, curé de la cathédrale Saint Nicolas, il prend un ton plus dur que son diacre en disant : « Nous divisons cet endroit qui est supposé être le symbole de notre unité en Christ ! ». Il rappelle que plusieurs propositions ont été faites pour la disparition de ce mur, notamment celle de l’enlever et de faire de manière à ce que l’Église ne soit la propriété de personne. De la sorte les deux communautés organiseront leurs temps de prière. Il n’y a pas eu d’échos positifs à ce sujet du côté catholique. Le curé se consterne et ajoute : « Quel n’a été le choc des orthodoxes lorsqu’ils ont appris que cet endroit allait être transformé en musée ecclésial. C’est un lieu sacré dédié à la prière et non à l’exposition. C’est la première fois qu’on apprend au Liban qu’une église se transforme en musée ». Et enfin, le prêtre orthodoxe évoque les pourparlers avec le côté catholique : « À chaque fois que nous leur demandons pourquoi ce mur n’est pas détruit, nous obtenons la même réponse : il s’agit d’un symbole pour l’Église grecque catholique, parce qu’en 1724, c’est ici que tout a commencé ».

Symbole

Père Jihad, curé de la cathédrale grecque-catholique, confirme les dires de son homologue orthodoxe : « Le mur est un symbole, non seulement de séparation, mais aussi de la fondation d’une Église, il y a trois siècles ». À l’encontre de l’avis du diacre Fady, le prêtre melkite trouve qu’il n’y pas d’obstacle qui sépare les catholiques et les orthodoxes, « car ce mur nous l’avons détruit dans nos cœurs et dans nos esprits depuis longtemps ». Cependant, le mur de la cathédrale témoigne à son sens d’une époque passée dont il faudrait oublier l’aspect polémique. Mais comme histoire et archéologie, le mur « est important pour nous, parce qu’il témoigne de la fondation du premier ordre monastique des grecs catholiques ». Et le curé de dire explicitement : « Nous ne sommes pas très intéressés par la destruction du mur, et nous ne comprenons pas la division de la cathédrale en deux comme une blessure, mais comme un symbole historique et archéologique qui raconte l’histoire de la naissance de notre Église ». Père Jihad craint que la destruction du mur mène à l’oubli de cette histoire.

Récemment, l’évêque grec orthodoxe de la région, Élias Kfoury, a dit que le nouvel évêque grec catholique, Élie Haddad, lui a promis, lors de leur première réunion qui a eu lieu dans la cathédrale, de réunifier l’édifice. Haddad affirme de son côté que des pourparlers ont lieu avec Kfoury dans le but de résoudre le problème en détruisant au moins, une partie du mur. L’installation d’une porte qui s’ouvrirait durant certaines occasions ou célébrations communes est l’une des solutions qu’envisage l’évêque grec catholique.

Georges Massouh, “La théologie chrétienne dans son contexte arabe”, An-Nahar, 08.06.2011

 اللاهوت المسيحيّ في سياقه العربيّ بقلم الاب جورج مسوح

  massouh

ليس ثمّة إجماع لدى اللاهوتيّين في شأن الموقف الواجب من اللاهوت السياقيّ. فمنهم مَن يجعل اللاهوت جوهرًا لا يتغيّر بتغيّر السياق التاريخيّ أو الاجتماعيّ أو الثقافيّ، ومنهم مَن يقول بأنّ اللاهوت من دون الالتفات إلى السياق الذي يحيط به، هو لاهوت عقيم لا أثر له في حياة المؤمنين والمجتمع. لذلك، مثلاً، لم يتمّ الإجماع حول لاهوت التحرير في أميركا اللاتينيّة والقارّة الإفريقيّة.

يخوض الباحث أنطوان فليفل في كتابه “اللاهوت السياقيّ العربيّ، النموذج اللبنانيّ” (بالفرنسيّة، دار لارماتان، باريس، 2011) غمار هذا اللاهوت. فيستخرج الأفكار الأساسيّة من مؤلّفات خمسة لاهوتيّين لبنانيّين أخضعوا رؤاهم اللاهوتيّة للسياقات التاريخيّة والحضاريّة والثقافيّة والاجتماعيّة والسياسيّة، والذين عملوا في سبيل استنباط لاهوت مسيحيّ يلتزم قضايا شعوبهم ومنطقتهم. هؤلاء الخمسة اللاهوتيّين هم: الأب ميشال حايك، والأب يواكيم مبارك، والمطران غريغوار حدّاد، والمطران جورج خضر، ومشير عون.

يكشف أنطوان فليفل عبر بحثه الشيّق ميزات اللاهوت العربيّ السياقيّ الخاصّة بالبيئة العربيّة. وتختلف قضايا هذا اللاهوت السياقيّ العربيّ عن أمثاله من لاهوتات سياقيّة نسويّة أو تحرّريّة أو سوداء (متّصلة بالقارّة الإفريقيّة) تهمّ المجتمعات التي تتحرّك فيها، أو تلك التي تشغل بال اللاهوتيّين. هذا التمايز العربيّ فرضته الظروف والأحداث التي يمرّ بها العالم العربيّ، والتي أعمل الالتزام بمواجهتها الفكر اللاهوتيّ العربيّ.

ما يجمع اللاهوتيّين الخمسة عدّة قضايا، أبرزها على الإطلاق قضيّة الشعب الفلسطينيّ الذي طُرد من وطنه قهرًا وظلمًا، فتراهم يعملون على تفكيك المقولات الصهيونيّة والردّ عليها لاهوتيًّا، ودحضها من أصولها. ويتناول هؤلاء اللاهوتيّون أيضًا موضوع الطائفيّة في لبنان، والسبل الآيلة إلى تحسين العلاقات بين اللبنانيّين والخروج من الحالة الطائفيّة إلى الحالة الوطنيّة الجامعة. كما لا يغيب الشأن الاجتماعيّ عن هواجسهم، فمسائل الظلم الاجتماعيّ والتفاوت بين الأغنياء والفقراء يشكّلان محورًا رئيسيًّا من محاور اهتماماتهم.

تحتلّ العودة إلى الوحدة بين المسيحيّين حيّزًا كبيرًا من انشغالات اللاهوتيّين المذكورين. فتعدّد الكنائس المتجذّرة كلّها في هذه الأرض يجعلها تبحث عن التقارب فيما بينها في سياقات مختلفة عن بلاد لا تعرف هذا التعدّد. لذلك، ثمّة خصوصيّة مسكونيّة في العالم العربيّ فرضتها الخبرات المسيحيّة المتنوّعة لا يمكن أن تكون حاضرة في بلاد أخرى.

الميزة الأهم للمسيحيّات العربيّة هي وجودها في شراكة إنسانيّة ووطنيّة واجتماعيّة وجضاريّة وثقافيّة مع المسلمين، وبخاصّة أنّ المسيحيّين العرب يتكلّمون بلغة القرآن، كتاب المسلمين المجيد. من هنا تبرز أهمّيّة اللاهوت المسيحيّ العربيّ بإزاء الحوار المسيحيّ الإسلاميّ، وبإزاء قضايا المسلمين والعرب. وقد كان اللاهوتيّون العرب السبّاقين في إظهار النقاط المشتركة التي تجمع المسلمين والمسيحيّين على صعيد الإيمان بالله الواحد والخلاص والعمل المشترك في سبيل إعمار الأرض وخير الإنسان.

يمثّل كتاب أنطوان فليفل فتحًا مبينًا في الأبحاث والدراسات التي تتناول أهمّيّة اللاهوت المسيحيّ في السياقين العربيّ واللبنانيّ. وعلى الرغم من تعريفه القارئ الفرنسيّ بهذا اللاهوت العربيّ، وهو ما يشكّل خدمةً جلّى للفكر المسيحيّ العربيّ، فإنّنا ننتظر صدور هذا الكتاب معرّبًا كي يكون شهادةً للمسيحيّين يفخرون بها، وتذكيرًا لهم بأنّ الطريق أمامهم لمّا ينتهِ بعد.

المصدر : جريدة النهار اللبنانية08.06.2011

Promotion de “La théologie contextuelle arabe”, OTV, 07.06.2011

Antoine Fleyfel invité à l’émission “Yawm Jadid” sur la chaîne libanaise OTV pour parler de son livre “La théologie contextuelle arabe. Modèle libanais, Paris, L’Harmattan, 2011”, le 7 juin 2011.

Promotion des “Exercices de parler libanais”, LBC, 07.06.2011

Antoine Fleyfel invité à l’émission “Hélwé w morra” sur la chaîne libanaise LBC pour parler de son livre “Exercices de parler libanais, Paris, L’Harmattan, 2011”, le 7 juin 2011.

L’action diplomatique du Saint-Siège en faveur des chrétiens d’Orient, paru sur une année dans quatre fascicules de la revue de l’Œuvre d’Orient, numéros : 764 (2011), 765 (2011), 766 (2012) et 767 (2012)

Article scientifique paru sur une année, en quatre parties, dans la revue de l’Œuvre d’Orient. N° 764 (juillet, août, septembre 2011), n° 765 (octobre, novembre, décembre 2011), n° 766 (janvier, février, mars 2012) et n° 767 (avril, mais, juin 2012).

Oeuvre-d-Orient

Introduction

      Il n’est pas besoin d’effectuer de scrupuleuses investigations pour constater le grand intérêt que porte le Saint-Siège pour le Moyen-Orient d’une manière générale, et pour les chrétiens d’Orient d’une manière très particulière. Plusieurs éléments mettent cela en évidence, comme :

1- Les visites des pontifes romains au Moyen-Orient : Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI.

2- Les prises de position à l’endroit de la violence au Moyen-Orient et du conflit israélo-palestinien.

3- Les synodes, écrits et discours qui abordent explicitement la question de la présence chrétienne en Orient ainsi que les thèmes qui s’y rapportent (dialogues œcuménique et interreligieux, droits de l’homme, liberté de conscience, etc.).

   La compréhension de l’action diplomatique actuelle du Saint-Siège en faveur des chrétiens d’Orient passe par plusieurs médiations, comme l’examen de la nature de l’action diplomatique du Saint-Siège, la prise en compte de certains éléments historiques et l’analyse de certains écrits et activités pontificaux.

1- Nature de l’action diplomatique du Saint-Siège

Église catholique, Saint-Siège et État de la Cité du Vatican

      Il est actuellement courant d’utiliser, notamment dans les milieux médiatiques, le vocable « Vatican » pour parler de l’action diplomatique du Saint-Siège, mais aussi de la gouvernance de l’Église catholique ou de l’État de la Cité du Vatican. Si cette utilisation n’est pas tout à fait fausse, elle reste porteuse de certaines imprécisions et confusions qu’il est nécessaire de clarifier.

      Le pape unit en sa personne trois fonctions différentes : il est le primat de l’Église catholique avec juridiction sur « les pasteurs de tout rang et de tout rite et les fidèles, chacun séparément ou tous ensemble»[1], le monarque absolu de l’État du Vatican et l’évêque ou le chef du Saint-Siège[2] qui a un statut de sujet souverain de droit international. Cependant, même si une seule et même personne jouit de ces trois pouvoirs, il est nécessaire de distinguer l’Église catholique du Saint-Siège et de l’État de la Cité du Vatican.

      Si l’Église catholique est la communauté des baptisés ayant comme pasteur suprême l’évêque de Rome, le Saint-Siège est l’incarnation du pouvoir spirituel de cette Église[3], de la souveraineté abstraite qu’a le pape sur plus d’un milliard de catholiques à travers le monde. Quant à l’État de la Cité du Vatican, il est le support territorial du Saint-Siège – sa représentation temporelle –, peuplé de presque 900 habitants pour une superficie de 44 hectares. Effectivement, les accords du Latran (1929)[4] avaient mis fin à la « Question romaine »[5], reconnu la souveraineté du Saint-Siège et lui avaient créé un support territorial, l’État de la Cité du Vatican. Celui-ci existe pour assurer au Saint-Siège une indépendance réelle et visible dans son gouvernement de l’Église universelle et dans ses activités.

      Cependant, ce n’est pas avec l’État de la Cité du Vatican que les États entretiennent des liens diplomatique, mais avec le Saint-Siège qui est sujet de droit international, qui siège au sein de certaines organisations internationales[6] et qui possède à l’Organisation des Nations unies (ONU) le statut d’observateur permanent. Tous les ambassadeurs des États, sont accrédités près le Saint-Siège et non auprès de l’État de la Cité du Vatican. Si le latin est la langue de l’Église catholique et la langue juridique de l’État, l’italien est la langue véhiculaire de l’État de la Cité du Vatican, l’allemand la langue des gardes suisses et le français la langue diplomatique du Saint-Siège.

      La diplomatie du Saint-Siège a des sources lointaines qui la ramènent au premier millénaire, lorsque les papes envoyaient leurs légats, vers les différents royaumes de la chrétienté, afin de mener des négociations d’ordre international. Le Saint-Siège adapte sa diplomatie, au XVIe siècle, à l’émergence de l’État-nation : les premières nonciatures apparaissent. Depuis les accords du Latran, son rôle diplomatique international est pleinement reconnu et il a un statut égal à celui des autres États. Il est actuellement la seule autorité religieuse ayant un tel statut légal international.

Une puissance diplomatique « soft »

      La négociation internationale menée par l’Église catholique est l’activité diplomatique du Saint-Siège. Cependant, l’activité de cette diplomatie est d’une nature différente que celle des activités diplomatiques des États, notamment des puissances occidentales, pour les raisons suivantes :

– Les nonces apostoliques (ambassadeurs du Saint-Siège) sont avant tout, les représentants de l’Église catholique, plus que d’un territoire.

– Le Saint-Siège n’est pas une puissance temporelle[7] ou géopolitique, mais une puissance spirituelle et morale. C’est à partir de cela qu’il est intégré dans les relations internationales[8].

– Les motivations principales du Saint-Siège sont : la protection des chrétiens, notamment des catholiques, et la promotion des valeurs de la justice, de la paix et des droits de l’homme.

      Ainsi, il convient de reprendre la description que fait Theodoros Koutroubas de l’hypothèse qualifiant la puissance diplomatique du Saint-Siège comme « soft », parce que « privée de toute faculté d’exercice de pouvoir coercitif si ce n’est celui de l’appel à l’opinion publique […] dans le cadre d’un conflit international impliquant de puissances conventionnelles »[9]. Cependant, ce fait ne devrait pas être envisagé comme un handicap, car le Saint-Siège a été capable de prouver les potentialités de son activité diplomatique, notamment à travers le rôle qu’il a joué pour l’effondrement du bloc communiste. Il est à rappeler que malgré le petit nombre de son appareil diplomatique composé de 40 personnes à la deuxième section de la secrétairerie d’État, le Saint-Siège dispose, à travers 4500 évêques et un très grand nombre d’institutions de l’Église catholique, un relais d’information et de manœuvre sans égal.

2- Un intérêt ancien pour l’Orient

    L’engagement du Saint-Siège en faveur des chrétiens d’Orient fait partie de ses combats principaux. Ainsi, on peut lire sur le site du Ministère français des Affaires Étrangères :

Le Saint Siège reste engagé dans des dossiers essentiels : au Moyen-Orient, la situation des chrétiens d’Orient est devenue sa préoccupation majeure, et notamment leur exode malgré l’implication de la communauté internationale. Le Liban est également une priorité car il est emblématique d’une coexistence possible entre communautés chrétiennes ou musulmanes. Représenté à la conférence d’Annapolis, le Saint Siège est favorable à une approche globale du processus de paix et souhaite un statut international pour Jérusalem et les lieux saints[10].

      Mener une investigation historique sur l’intérêt du Saint-Siège pour l’Orient pourrait nous ramener aux croisades et à la protection des Lieux Saints, aux relations étroites avec les maronites dès le XIIe, au mouvement de l’uniatisme ou aux interventions médiates et immédiates auprès de l’Empire ottoman en faveur des communautés catholiques. Le Saint-Siège n’a pas rompu avec cette tradition à l’époque contemporaine. Son action diplomatique en faveur des chrétiens d’Orient s’est perpétuée sous l’impulsion des derniers papes. Cependant, il doit faire face, avec la création de l’État d’Israël, la guerre libanaise et les violences confessionnelles en Iraq et en Égypte, à de nouveaux défis inédits d’une grande complexité.

      La création de l’État d’Israël a été perçue comme une catastrophe par les musulmans arabes et « la crainte de voir les autorités islamiques (et encore plus la rue) donner une connotation religieuse à l’alliance entre Tel-Aviv et la superpuissance occidentale ‘chrétienne’ fut […] un des soucis constants du Saint-Siège »[11]. Celui-ci est persuadé que la continuation de la présence chrétienne au Moyen-Orient dépend de l’engagement des chrétiens orientaux, avec les musulmans, pour l’avenir de leur terre commune. Ainsi, le Saint-Siège invite les chrétiens orientaux à montrer que leur présence n’est pas de nature opposée à leurs pays, mais qu’ils sont un facteur de progrès et de développement de la société majoritairement musulmane dans presque tous les pays (le Liban excepté). En outre, il doit faire face à des attitudes confessionnelles, d’autonomie ecclésiale, à des tendances séparatistes occidentales et à la difficulté d’expliquer la nécessité du dialogue catholico-judaïque à une population pour qui Israël est l’ennemi. Il est en fin de compte nécessaire pour le Saint-Siège de trouver l’équilibre entre de bonnes relations avec les juifs et Israël (en raison surtout de son intérêt pour les Lieux Saints), et la promotion de l’entente islamo-chrétienne (facteur incontournable pour présence chrétienne en Orient). Cela est l’un des défis majeurs de la diplomatie Vaticane[12].

      La guerre libanaise fut la cause d’un grand malaise au Vatican dans les années 1970, puisque la seule puissance catholique au Moyen-Orient, les maronites, se sont engagés dans une guerre qui peut très facilement être interprétée sous le signe de l’hostilité vis-à-vis de l’islam. Cela nuisait aux rêves de la papauté qui voulait faire du Liban, identifié avec l’avenir des chrétiens orientaux, un modèle de convivialité pour les autres pays de la région, et rendait les maronites impopulaires parmi les musulmans, ce qui aggravait le danger d’un islamisme montant, très dangereux aux yeux du Vatican pour l’avenir des chrétiens orientaux[13].

Le malaise du Saint-Siège s’amplifie à l’issue de l’alliance américano-syrienne face à l’ennemi irakien. Celle-ci se concrétise au Liban par un envahissement des régions chrétiennes sous le control des divisions de l’armée libanaise du général Michel Aoun le 13 octobre 1990 :

L’alliance de l’unique super-puissance avec une Syrie qui cachait peu son désir de dominer complètement le seul pays moyen-oriental où les catholiques pouvaient toujours prétendre aux plus hautes fonctions étatiques, et avec le Royaume saoudien où toute pratique du culte chrétien était strictement interdite, persuadait le Pontife que les rapports alarmistes de ses collaborateurs dans la région étaient bien fondés, et que le nouvel ordre géopolitique au Moyen-Orient, sonnerait plutôt la fin des sociétés pluriconfessionnelles et l’extinction des communautés chrétiennes locales[14].

      C’est dans le cadre de ces éléments historiques qu’il convient de comprendre l’Exhortation Apostolique de Jean-Paul II, « Une espérance nouvelle pour le Liban »[15] (1997), née au cours de l’Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Évêques (convoquée en 1991, à la fin de la guerre). D’aucuns auraient pu peut-être s’étonner du fait que le Saint-Siège réunisse un Synode consacré à un seul pays, alors que les Synodes sont normalement réunis pour s’intéresser aux situations de régions géographiques qui dépassent de loin la minuscule étendue du Pays des cèdres (10 452 Km2). Cependant, comprise à la lumière de la politique vaticane générale en faveur des chrétiens d’Orient, l’Exhortation prend tout son sens et situe le christianisme libanais au centre de la vision qu’a le Saint-Siège de l’avenir du christianisme moyen-oriental. Les chrétiens du Liban apparaissent comme la clef de voûte et la condition sine qua non de tout redressement sérieux possible pour les chrétiens dans la région.

      Il est intéressant de souligner à cet endroit quelques éléments majeurs de ce document qui rappelle que le Liban « est un pays vers lequel les regards se tournent souvent, [et au sein duquel] les catholiques sont particulièrement appelés à servir le bien commun de la cité terrestre en tirant de la foi leur inspiration et les principes fondamentaux pour la vie en société » (1). Cependant, l’effort de reconstruction du Liban après la guerre n’est pas le propre des catholiques, puisqu’il leur incombe de collaborer, à cet effet, dans un esprit œcuménique, avec les chrétiens orthodoxes et protestants, et dans un esprit de dialogue interreligieux, avec les communautés musulmanes différentes.

      Tout en s’inscrivant dans le sillage de l’effort diplomatique pour la préservation du christianisme en Orient, l’Exhortation ne s’intéresse pas qu’à ce volet – essentiel – pour le Saint-Siège. Principalement pastorale, elle traite de beaucoup de questions qui ont traits aux conditions internes du renouveau des Églises catholiques au Liban. Celui-ci touche à tous les domaines vitaux pour la vie des Églises patriarcales, comme l’enseignement secondaire et universitaire, la recherche, la liturgie, la théologie, l’action pastorale, la formation des prêtres et des laïcs, l’engagement dans la société, l’engagement politique, les biens des Églises, etc. En outre, l’exhortation laisse deviner le malaise provoqué par la guerre libanaise au Saint-Siège, et sa volonté d’en finir définitivement avec cette étape, nuisible à son sens à la présence chrétienne au Moyen-Orient. Ainsi, Jean-Paul II rappelle que « l’Église catholique au Liban a beaucoup pâti de la division de ses fils, particulièrement durant les récentes années de guerre. Elle en a été déchirée même de l’intérieur » (10). C’est pour cela qu’il invite à une conversion :

Le drame vécu durant ces dernières années par l’Eglise catholique au Liban fut une occasion cruelle pour elle d’éprouver la nécessité de la conversion, pour vivre l’Evangile, pour demeurer unie, pour dialoguer en vérité avec les autres Eglises et Communautés chrétiennes en vue d’avancer vers la pleine unité, pour construire aussi, avec les autres citoyens, une société capable de dialogue ouvert, de convivialité et d’attention aux autres, surtout aux frères les plus démunis (35).

      Cependant, beaucoup d’éléments de facture pastorale s’inscrivent d’une manière évidente dans le cadre des grands traits de la diplomatie du Saint-Siège[16] :

1- Le dialogue œcuménique : celui-ci est nécessaire, parce que la division des chrétiens affaiblit leur témoignage. D’où la nécessité de déployer tous les efforts nécessaires pour un rapprochement œcuménique entre les Églises catholique, orthodoxes et protestantes.

2- Le dialogue interreligieux : « L’Islam et le Christianisme ont en commun un certain nombre de valeurs humaines et spirituelles incontestables » (13). Le dialogue interreligieux s’avère être dans cette perspective un antidote aux dangers de l’islamisme à l’endroit de la présence chrétienne au Moyen-Orient.

3- Le dialogue de vie entre les chrétiens et les musulmans dans le but de l’édification d’une société juste : « Un vrai dialogue entre les croyants des grandes religions monothéistes repose sur l’estime mutuelle, afin de protéger et de promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté » (89). Cette collaboration saine entre les chrétiens et les musulmans devrait faire du Liban l’exemple de convivialité pour tous les pays de la région : « Le dialogue et la collaboration entre chrétiens et musulmans au Liban peut aider à ce que, dans d’autres pays, se réalise la même démarche » (93).

4- Une insistance sur le respect des droits de l’homme et de la liberté de conscience : « L’État est le premier garant des libertés et des droits de la personne humaine » (114). L’Exhortation s’oppose par cela aux pressions sociales, voire aux menaces éventuelles qu’affronterait un musulman qui se convertit au christianisme.

5- L’action pour limiter l’émigration, mais aussi l’importance de maintenir des liens étroits avec les émigrés : « Intensifier les relations entre les communautés catholiques de la diaspora et les différents patriarcats au Liban. En effet, une communauté locale ne peut pas vivre coupée de son centre d’unité sans courir le risque de s’ériger dans une totale indépendance » (83).

6- La mise en garde contre toute forme d’extrémisme : « Le réveil de formes variées d’extrémisme est aussi profondément inquiétant et ne pourrait que desservir l’unité du pays, freiner le nouvel élan qu’il convient de lui donner et gêner la convivialité entre toutes les composantes de sa société » (14).

      In fine, tout en délivrant son message essentiellement pastoral, Jean-Paul II lui ouvre tout un horizon politique qui n’est pas sans rappeler ses visites pastorales à dimension fortement politique, de la Pologne communiste, sa terre natale. Dans des conditions qu’on a longtemps décrites comme relevant d’une « frustration chrétienne », et dans le sillage de l’absence des leaders chrétiens les plus influents, Michel Aoun et Amine Gemayel exilés en France, et Samir Geagea emprisonné au Ministère de la Défense, Jean-Paul II délivrait en 1997 un message d’espoir aux chrétiens libanais, en les invitant à mettre de côté leur frustration, et à se renouveler de manière à se réengager de nouveau dans le monde arabe, et d’avoir une présence durable.

3 – Le pontificat de Benoît XVI et les chrétiens d’Orient

Le pèlerinage en Terre Sainte (8-15 mai 2009)

      Les débuts du pontificat de Benoît XVI sont marqués par des évènements qui ont été interprétés comme des erreurs diplomatiques : le discours de Ratisbonne (septembre 2006) qui a suscité de vives réactions politiques et religieuses dans le monde musulman[17], et la réhabilitation de l’évêque intégriste négationniste Williamson (janvier 2009) qui a heurté le monde juif.

      La visite du pape en Terre Sainte (Jordanie, Territoires Palestiniens, Israël), du 8 au 15 mai 2009 est bien liée à ces deux événements. Elle pourrait être considérée comme une clarification majeure, voire un rappel des positions du Saint-Siège aux endroits de l’islam et des musulmans, du judaïsme et des juifs. Cependant, c’est dans le cadre d’un apaisement du monde musulman et de l’État d’Israël, et d’un rappel des positions du Saint-Siège en faveur de la cause palestinienne, que le pape mène avec la plus grande prudence diplomatique un pèlerinage qui a comme but principal l’appui des chrétiens d’Orient.

      Cette visite complexe qui a duré huit jours s’est effectuée dans une ambiance de tensions plus vives que celles qui existaient lors de la visite de Jean-Paul II en 2000[18]. Même si le pape donnait à sa visite un sens spirituel[19] la dimension politique était inévitable : «Chaque journée, chaque geste, chaque rencontre et chaque visite : tout aura une connotation politique»[20], disait Fouad Twal, le patriarche latin de Jérusalem. De plus, plusieurs facteurs étaient sujets à tensions, notamment la récente offensive d’Israël contre le Hamas à Gaza (1300 morts palestiniens entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009), l’affaire Williamson et l’opposition à la béatification de Pie XII, accusé d’avoir gardé le silence durant la Shoah.

      Dans son entretien aux journalistes, accordé au cours de son vol en direction de la Terre Sainte le 8 mai 2009, Benoît XVI rappelait le caractère de l’action diplomatique du Saint-Siège, fondement de son appui pour les chrétiens d’Orient : « Je cherche certainement à contribuer à la paix non en tant qu’individu mais au nom de l’Église catholique, du Saint-Siège. Nous ne sommes pas un pouvoir politique, mais une force spirituelle et cette force spirituelle est une réalité qui peut contribuer aux progrès du processus de paix ». Et d’ajouter, afin de souligner le but essentiel de son pèlerinage : « Nous voulons surtout encourager les chrétiens en Terre Sainte et dans tout le Moyen-Orient à rester, à apporter leur contribution dans leurs pays d’origine »[21]. C’est dans ces perspectives que trois messages politiques majeurs peuvent être relevés lors cette visite :

1- Rassurer le judaïsme et l’État d’Israël sur le fait que le Saint-Siège ne professe aucune forme d’antisémitisme et s’y oppose. C’est dans ce cadre qu’il convient de comprendre la visite de Benoît XVI au mémorial des Victimes et des Héros de la Shoah, le Yad Vashem à Jérusalem. Le pape y exprime sa solidarité avec le peuple juif et reconnaît les horreurs perpétrées pendant la Shoah : « Que les noms de ces victimes ne périssent jamais ! Que leur souffrance ne soit jamais niée, discréditée ou oubliée ! »[22]. De plus, Benoît XVI a rappelé le vendredi 15 mai 2009 à l’Aéroport International Ben Gurion – Tel Aviv, « que l’État d’Israël a le droit d’exister, de jouir de la paix et de la sécurité à l’intérieur de frontières reconnues internationalement »[23].

2- Tourner définitivement la page de Ratisbonne et approfondir les relations avec les musulmans. Les contacts avec ces derniers sont plus importants qu’en 2000. Benoît XVI reste effectivement plus longtemps que son prédécesseur en Jordanie[24], et devient le premier pape à se rendre au Dôme du Rocher (Jérusalem), le troisième lieu saint de l’islam.

3- Plaider en faveur de la solution des deux États. Le pape l’a dit d’une manière très claire le mercredi 13 mai 2009 au Chef de l’Autorité palestinienne : « Le Saint-Siège soutient le droit de votre peuple à une patrie palestinienne souveraine sur la terre de vos ancêtres, sûre et en paix avec ses voisins, à l’intérieur de frontières internationalement reconnues ». Le Souverain Pontife a pour l’occasion dénoncer le « mur de sécurité » bâti par l’État d’Israël autour des Territoires palestiniens : « Jérusalem (…) est entourée d’un mur d’apartheid qui empêche le peuple de vivre librement, à Gaza, en Cisjordanie, de se rendre à l’église du Saint-Sépulcre et à la mosquée Al Aqsa »[25]. Et d’ailleurs, la visite que le pape a rendue au camp de réfugiés palestinien d’Aïda, à l’entrée de Bethléem est plus que significative puisqu’il s’agit de l’un des plus anciens camps[26]. S’y rendre symbolise, entre autres, le retour à la racine du drame vécu par le peuple palestinien. Quant à sa déclaration de prier pour la levée du blocus de Gaza, il n’y a pas de doute qu’elle fut une désagréable surprise pour Israël qui avait espéré une visite strictement spirituelle.

      Insister à plusieurs reprises sur ces trois positionnements politiques crée les conditions nécessaires pour l’action diplomatique du Saint-Siège en faveur des chrétiens d’Orient. Cependant, il insistera plus, durant ce voyage, sur la présence en Terre Sainte, et sur les difficultés qu’affrontent les chrétiens qui habitent toujours dans les endroits les plus sacrés du christianisme. L’Église catholique déplore en effet les difficiles conditions de vie des chrétiens, majoritairement arabes, qui représentent 2% des sept millions d’habitants d’Israël. Le Saint-Siège cherche toujours, depuis l’établissement des liens diplomatiques avec Israël en décembre 1993, à avoir un libre accès aux Lieux Saints et la possibilité d’agir pastoralement, en Terre Sainte, sans limitations ni empêchements. De surplus, la construction du « mur de sécurité » a causé la détérioration de la situation des chrétiens à Bethléem et aux alentours, et l’immigration, sur fond économique, ne cesse de s’aggraver. Il y a toutes les semaines des familles qui immigrent en Amérique, ce qui fait que les chrétiens représentent moins de 15% des habitants de Bethléem[27].

      Face à cette situation alarmante, le pape consacre la part du lion de son voyage à consolider les communautés chrétiennes en Jordanie, dans le Territoire palestinien et en Israël. Il n’est pas question de déserter cette terre, de démissionner de la société, de quitter le Moyen-Orient, puisque le christianisme a toujours un rôle majeur à y jouer, notamment entre les juifs et les musulmans, et un témoignage à rendre sur cette terre des origines. Ainsi, le Saint Père pose des actes symboliques, assiste à des rencontres œcuméniques et prononce des homélies. Sans entrer dans tous les détails de son voyage, soulignons :

1- Le 9 mai 2009 en Jordanie : la bénédiction de la première pierre de l’Université catholique de Madaba et la pose des premières pierres d’une église latine et d’une église melkite au lieu de baptême de Jésus Christ sur le Jourdan. La présence chrétienne en Orient n’est pas seulement un attachement spirituel, mais aussi un attachement à la terre, avec toutes les dimensions culturelles et civilisatrices que cela suppose.

2- Le 15 mai 2009 à Jérusalem : rencontre œcuménique au patriarcat grec-orthodoxe. Celle-ci ressort la volonté du Saint-Siège de ne pas agir seul, mais en collaborant avec les autres Églises chrétiennes. La question de la présence chrétienne au Moyen-Orient, notamment en Terre Sainte, est la responsabilité de toutes les communautés. En outre, ce rapprochement avec l’orthodoxie moyen-orientale n’est pas à séparer du voyage qu’effectuera le pape à Chypre en juin 2010.

3- Le 10 mai 2009, le pape d’adresse aux fidèles à la messe célébrée au Stade international de Amman en disant : « La fidélité à vos racines chrétiennes, la fidélité à la mission de l’Église en Terre Sainte réclament de chacun de vous un courage singulier : le courage de la conviction, née d’une foi personnelle, qui ne soit pas seulement une convention sociale ou une tradition familiale ; le courage de dialoguer et de travailler aux côtés des autres chrétiens au service de l’Évangile et de la solidarité avec les pauvres, les personnes déplacées et les victimes des grandes tragédies humaines ; le courage de construire de nouveaux ponts pour rendre possible la rencontre fructueuse des personnes de religions et de cultures différentes, et donc d’enrichir le tissu de la société »[28]. Quelques jours plus tard, en célébrant une messe dans la place de la Nativité à Bethléem, le pape appelle les chrétiens à consolider leur présence en restant dans la région malgré toutes les difficultés.

      In fine, le pape plaide pour la paix au Moyen-Orient, et mène des dialogues sur plus d’un front afin d’assurer les assises nécessaires pour l’avenir de la présence chrétienne au Moyen-Orient. Sa visite de solidarité aux chrétiens de la Terre Sainte a comme but de les affermir dans leur foi et de les encourager à rester sur cette terre d’origine. Ses actes et messages envers les juifs et les musulmans ont surtout comme but d’écarter tout malentendu, et de rappeler l’importance du sens religieux et culturel de la présence chrétienne : « Cette terre est véritablement un terrain fertile pour l’œcuménisme et le dialogue interreligieux, et je prie pour que la riche diversité du témoignage religieux en cette région porte des fruits accrus de compréhension et de respect mutuels »[29].

La visite de Chypre (4-6 juin 2010) : le prélude du Synode pour le Moyen-Orient

     Benoît XVI annonce clairement que le voyage à Chypre, « représente, sous de nombreux aspects, la continuation du voyage […] accompli l’an dernier en Terre Sainte »[30]. Même s’il déclare ne pas venir avec un message politique, mais religieux qui prône l’ouverture à la paix, le pape rappelle le rôle diplomatique « soft » du Saint-Siège en disant : « Nous pouvons également aider à travers les conseils politiques et stratégiques, mais le travail essentiel du Vatican est toujours d’ordre religieux, touche le cœur »[31]. L’un des objectifs principaux de ce voyage est la remise de l’Instrumentum laboris[32] du Synode des évêques pour le Moyen-Orient. Ce n’est probablement pas par hasard que le pape remet ce document à l’archevêque maronite de Chypre Youssef Soueif,  eu égard au rôle central qu’assigne le Saint-Siège à l’Église maronite.

      Sans s’étendre sur les détails de ce document directeur pour la tenue du Synode des évêques pour le Moyen-Orient, soulignons les éléments qui mettent en lumière le sujet de cet article :

1- Le pape s’implique d’une manière personnelle pour les chrétiens d’Orient : « Il s’agit là d’un autre geste significatif du souci particulier de l’Évêque de Rome pour les chères Églises du Moyen-Orient », lui qui a « tenu à renforcer son amour pour la Terre Sainte, lors de ses voyages Apostoliques  en Turquie, du 28 novembre au 1erdécembre 2006, puis du 8 au 15 mai 2009 en Jordanie, en Israël et en Palestine » (2).

2- La perspective de renouveau des Églises, lequel est supposé avoir des conséquences sur la présence chrétienne en Orient. L’Instrumentum laboris l’exprime expressément en parlant du double objectif du Synode : « a) confirmer et renforcer les chrétiens dans leur identité, grâce à la Parole de Dieu et aux Sacrements ; b) raviver la communion ecclésiale entre les Églises sui iuris, afin qu’elles puissent offrir un témoignage de vie chrétienne authentique, joyeuse et attirante » (3).

3- L’insistance sur les dialogues œcuménique et interreligieux : « Il est essentiel pour les chrétiens de bien connaître les juifs et les musulmans, afin de pouvoir collaborer avec eux dans la sphère religieuse, sociale et culturelle, pour le bien de la société tout entière » (4).

4- Le rappel que les chrétiens sont des « citoyens indigènes » qui participent à la formation de l’identité culturelle de leurs pays : « Leur disparition constituerait une perte pour ce pluralisme qui a caractérisé depuis toujours les pays du Moyen-Orient. Sans la voix chrétienne, les sociétés moyen-orientales seraient appauvries » (24).

5- Il incombe aux chrétiens d’œuvrer pour l’instauration d’une « laïcité positive » : « De telle sorte, ils aideraient à alléger le caractère théocratique  du gouvernement et permettraient une plus grande égalité entre les citoyens de religions différentes, en facilitant ainsi la promotion d’une démocratie saine, positivement laïque, qui reconnaisse pleinement le rôle de  la religion, dans la vie publique également, dans le respect total de la distinction entre les ordres religieux et temporel » (25).

6- Les chrétiens, bien que minoritaires presque partout, devraient éviter « le repliement sur soi et la peur de l’autre » (28).

7- Le document aborde la question démographique et encourage les familles nombreuses (29).

8- La liberté de religion (culte) et de conscience (choix de religion) sont des droits humains inaliénables.

9-  Il faut combattre l’émigration, et profiter du soutien de ceux qui sont déjà émigrés.

10-  La mise en garde contre l’islamisme et la violence qu’il suppose (41).

11- Rappel de la position du Saint-Siège sur la solution des deux États, israélien et palestinien.

12- Plaider pour une société démocratique cultivant la paix et jouissant d’un développement économique sain qui empêcherait les chrétiens d’émigrer.

13-  L’avenir du Moyen-Orient est de la responsabilité des chrétiens et des musulmans : « Musulmans et chrétiens doivent parcourir un chemin commun. Nous appartenons au Moyen-Orient et nous nous identifions à lui. […] En tant que citoyens, nous partageons les responsabilités pour construire et pour assainir » (106)

14- Le chrétien pourrait avoir une contribution spéciale pour la résolution du conflit israélo-palestinien. Par le dialogue, il peut jouer le rôle de pont entre les juifs et les musulmans.

15- Et enfin, le document se termine sur une note d’espérance pour l’avenir du christianisme au Moyen-Orient : « L’histoire a fait que nous sommes devenus un « petit reste ». Mais nous pouvons aussi, par notre comportement, devenir aujourd’hui une présence qui compte » (118).

L’Assemblée spéciale des évêques pour le Moyen-Orient

      La lecture des propositions finales de l’Assemblée des évêques n’ajoutent pas grand-chose à ce qui a précédé su la question. Les « Propositionum »[33] reprennent effectivement les grands thèmes du dialogue œcuménique et interreligieux, les questions de la présence chrétienne, du renouveau des Églises, de l’attachement à la terre, du témoignage, etc. L’essentiel de ce qui a été dit et écrit depuis 2006, en Turquie, en Jordanie, en Palestine, en Israël et à Chypre est repris, mais reformulé et contextualisé par l’Assemblée des évêques moyen-orientaux. Et même si l’Instrumentum laboris était le fruit des réponses des Églises aux questions qui leur ont été posées, il semble que les aspirations des chrétiens moyen-orientaux rejoignent les projets du Saint-Siège pour l’avenir du christianisme dans cette région du monde.

      La lecture des « Propositionum » montre à quel point il est difficile de séparer le pastoral du politique, car si certaines propositions relèvent de considérations « spirituelles » pures (la parole de Dieu ou la liturgie par exemple), d’autres propositions débouchent clairement sur des questions aux horizons politiques (les droits de l’homme ou la forme de l’État). Cela souligne encore une fois la subtilité de l’action diplomatique du Saint-Siège où tout acte « spirituel » échappe difficilement à la dimension politique, puisqu’il implique une contextualisation de la foi dans une culture et dans un espace-temps bien déterminés. En voulant encourager les chrétiens d’Orient et en les raffermissant dans leur foi, le Saint-Siège est forcément en train de poser un acte politique majeur qui suppose au moins la résistance à l’affaiblissement des chrétiens d’Orient et leur disparition, et au plus, un redressement de ce christianisme qui fait de lui un facteur de vie indispensable dans tous les pays arabes où il existe.

      Cependant, l’importance de ce document final est à souligner à deux égards. Premièrement, il exprime la volonté conjointe du Saint-Siège et des chrétiens catholiques orientaux, représentés par leurs évêques, d’œuvrer pour la présence chrétienne au Moyen-Orient. Deuxièmement, bien au-delà des idées constructives proposées de diverses manières par le Saint-Siège, il établit une feuille de route, à l’instar de l’Exhortation apostolique pour le Liban (1997), qui engage les communautés locales. On peut effectivement lire à la fin du document : « Les Églises ayant participé au Synode sont appelées à prendre les moyens d’assurer le suivi du Synode, en collaboration avec le Conseil des Patriarches catholiques d’Orient et les structures officielles des Églises concernées, et à y impliquer davantage les prêtres, les experts laïcs et religieux » (propositio 43).

      Ainsi, l’action diplomatique du Saint-Siège ne paraît pas isolée de l’engagement des communautés catholiques arabes qui s’avère nécessaire, voire incontournable, pour la réalisation de la politique vaticane. La lecture des Propositionum montre à quel point le Synode des évêques pour le Moyen-Orient dépend de la politique internationale que le Saint-Siège pratique depuis plusieurs décennies. Soulignons les éléments du Synode qui rappellent cela, et qui s’inscrivent dans le sillage direct de la diplomatie du Saint-Siège durant le pontificat de Benoît XVI :

1- Un attachement à la terre qui ne doit absolument pas se vider de son élément chrétien qui lui est fondamental : « Vu que l’attachement à la terre natale est un élément essentiel de l’identité des personnes et des peuples et que la terre est un espace de liberté, nous exhortons nos fidèles et nos communautés ecclésiales à ne pas céder à la tentation de vendre leurs propriétés immobilières » (propositio 6). Le document exhorte les concernés à trouver les moyens nécessaires qui aideraient les chrétiens à acheter leur logement ou à se loger, plutôt que d’opter pour la solution que le Saint-Siège et les Églises locales ont en aversion : l’émigration.

2- Dans le même sillage, il appartient aux Églises d’étudier les phénomènes migratoires et de faire « tout ce qui est possible pour consolider la présence des chrétiens dans leurs patries, et cela spécialement à travers des projets de développement, pour limiter le phénomène de la migration » (propositio 10).

3- Le dialogue œcuménique doit se poursuivre : « Les Pères synodaux encouragent ces Églises [catholiques orientales] à instaurer un dialogue œcuménique au niveau local. Ils recommandent aussi que les Églises orientales catholiques soient plus impliquées dans les commissions internationales du dialogue, dans la mesure du possible » (propositio 28).

4-  Il en est de même concernant le dialogue interreligieux « qui rapproche les esprits et les cœurs. Pour cela, ils sont invités, avec leurs partenaires, au renforcement du dialogue interreligieux, à la purification de la mémoire, au pardon mutuel du passé et à la recherche d’un meilleur avenir commun » (propositio 40).

5- Même si les relations avec le judaïsme restent compliquées pour le christianisme arabe en raison du conflit israélo-palestinien et israélo-arabe, la déclaration Nostra aetate du Concile Vatican II est rappelée. « Les initiatives de dialogue et de coopération avec les juifs sont à encourager, pour approfondir les valeurs humaines et religieuses, la liberté, la justice, la paix et la fraternité. La lecture de l’Ancien Testament et l’approfondissement des traditions du judaïsme aident à mieux connaître la religion juive. Nous refusons l’antisémitisme et l’antijudaïsme, en distinguant entre religion et politique » (propositio 41).

6- Quant aux relations avec l’islam, elles paraissent incontournables et fondamentales pour l’avenir de la présence chrétienne au Moyen-Orient où « les chrétiens partagent avec les musulmans la même vie et le même destin. Ils édifient ensemble la société ». Cependant, ces relations devraient dépasser la simple question morale ou religieuse et s’étendre sur le domaine social et politique : « Il est important de promouvoir la notion de citoyenneté, la dignité de la personne humaine, l’égalité des droits et des devoirs et la liberté religieuse comprenant la liberté du culte et la liberté de conscience ». D’où la nécessité de rejeter toute attitude de recroquevillement, de renfermement et de haine : « Les chrétiens du Moyen-Orient sont appelés à poursuivre le dialogue de vie fructueux avec les musulmans. Ils veilleront à avoir, à leur égard, un regard d’estime et d’amour, mettant de côté tout préjugé négatif ». Cela devrait mener à offrir « au monde l’image d’une rencontre positive et d’une collaboration fructueuse entre les croyants de ces religions, s’opposant ensemble à tout genre de fondamentalisme et de violence au nom de la religion » (propositio 42).

Conclusion

      Il n’y a pas de doute que le Saint-Siège joue un rôle majeur à l’endroit de la présence chrétienne au Moyen-Orient. On peut même légitimement douter qu’il existe de nos jours une diplomatie qui déploie autant d’efforts en faveur de ces chrétiens. Cependant, au vu des mutations très rapides et peu favorables aux chrétiens du Moyen-Orient durant ces dernières décennies, une question fondamentale ne cesse de s’imposer à tout observateur averti de cette région du monde : est-ce que la diplomatie du Saint-Siège et les efforts des communautés locales, pourraient occasionner un véritable renouveau du christianisme oriental, ou du moins, une stabilisation des certains acquis positifs que ces communautés possèdent encore aux endroits de la culture, de la politique, de l’économie ou de la démographie ? Les années à venir seraient probablement porteuses de réponses qu’une multitude d’hommes et de femmes espèrent positives.

Antoine Fleyfel
2011-2012


[1] « Constitution dogmatique Pastor Aeternus », in Concile Vatican I, 1870, chap. 3.

[2]  Dans son sens le plus général, on entend par Saint Siège l’Église de Rome fondée par Pierre et Paul.

[3]  « Sous le nom de Siège Apostolique ou de Saint-Siège, on entend dans le présent Code, non seulement le Pontife Romain, mais encore, à moins que la nature des choses ou le contexte ne laisse comprendre autrement, la Secrétairerie d’État, le Conseil pour les affaires publiques de l’Église et les autres Instituts de la Curie Romaine » (CIC, Canon 360).

[4] Dans les accords du Latran, « l’Italie reconnaît la souveraineté du Saint-Siège dans le domaine international comme domaine inhérent à sa nature, conformément à sa tradition et aux exigences de sa mission dans le monde » (Art. II).

[5] Controverse politique sur le statut de Rome qui était le siège du pouvoir temporel du pape, mais aussi la capitale du Royaume d’Italie. Cette controverse a duré de 1870 (annexion de Rome par Victor-Emmanuel II) jusqu’aux accords du Latran signés le 11 février 1929 par Mussolini et Pie XI.

[6] Comme l’Agence internationale de l’énergie atomique ou l’Union postale universelle.

[7] Lorsque le pape avait fait parvenir à Staline sa demande de respecter les libertés religieuses sur les territoires européens que l’armée rouge occupait, celui-ci aurait répondu : « Le pape, combien de divisions ? ». Lorsqu’il apprit la mort de Staline, Pie XII aurait dit, en 1953 : « Maintenant qu’il est face aux anges, il sait combien j’en avais ».

[8] « Aucun chef d’État ou de gouvernement ne pourrait adopter le langage de dénonciation, de critique et de revendication typique du pape. On doit remarquer aussi, en particulier, que la force et la clarté qui caractérisent souvent les paroles du pape peuvent susciter des discussions voire des polémiques dans l’opinion publique internationale » (Giovanni Barberini, Le Saint-Siège, sujet souverain de droit international, Paris, Cerf, p. 61).

[9] Theodoros Koutroubas, L’action politique et diplomatique du Saint Siège au Moyen-Orient de 1978 à 1992, Louvain, Presses Universitaires de Louvain, p. 40.

[10]http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/vatican-saint-siege_451/presentation-du-vatican_1353/relations-internationales_12400.html

[11] Theodoros Koutroubas, op. cit., p. 23.

[12] Par exemple, lors de la première Intifada en 1987, le Saint-Siège faisait face à la difficulté de maintenir un équilibre, dans le but de préserver les Lieux Saints, entre l’OLP qui comptait dans ses rangs beaucoup de chrétiens et Israël lié aux Occidentaux. Durant ce conflit, l’émigration chrétienne inquiétait le Saint-Siège qui ne voulait pas voir les Lieux Saints se vider des chrétiens, et le christianisme disparaître de sa région d’origine.

[13] « Au-delà même de la crise du Liban, [Jean-Paul II] souhaitait faire de l’Église maronite […] un élément fédérateur des chrétiens des différents rites afin de déboucher, à terme, sur une grande ‘Église des Arabes’ suffisamment solide pour assurer la pérennité du christianisme en Orient » (Jean-Pierre Valognes, Vie et mort des chrétiens d’Orient. Des origines à nos jours, Paris, Fayard, 1994, p. 401.).

[14] Theodoros Koutroubas, op. cit., p. 374.

[15]http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/apost_exhortations/documents/hf_jp-ii_exh_19970510_lebanon_fr.html

[16] Ils seront rappelés et traités de nouveau durant le pontificat de Benoît XVI.

[17] Et qui a été rectifié, entre autres, par la visite du pape de la Turquie (novembre-décembre 2006).

[18] Cependant, Benoît XVI confirme le chemin tracé par Jean-Paul II tout en soutenant l’engagement des chrétiens de Terre Sainte dans leur rôle de pont entre juifs et musulmans

[19] Avant son départ, il affirmait : «Ma première intention est de visiter ces lieux rendus sacrés par la vie de Jésus et d’y prier pour le don de la paix et de l’unité, pour vos familles et tous ceux qui ont pour foyer la Terre sainte».

[20]http://www.20minutes.fr/article/324805/Monde-Benoit-XVI-en-Terre-Sainte.php

[21]http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2009/may/documents/hf_ben-xvi_spe_20090508_terra-santa-interview_fr.html

[22] http://www.zenit.org/article-20938?l=french

[23]http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2009/may/documents/hf_ben-xvi_spe_20090515_farewell-tel-aviv_fr.html

[24] Le pape ne manquera pas de souligner, à plusieurs reprises, le respect de l’Église catholique pour l’islam. Il a déclaré, par exemple, à l’Aéroport international Queen Alia de Amman : « Ma visite en Jordanie me donne l’heureuse occasion de dire mon profond respect pour la communauté musulmane, et de rendre hommage au rôle déterminant de Sa Majesté le Roi dans la promotion d’une meilleure compréhension des vertus proclamées par l’Islam » (http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2009/may/documents/hf_ben-xvi_spe_20090508_welcome-amman_fr.html).

[25] http://pape-en-israel.blogs.la-croix.com/mustapha-cherif/qui-comprendra/

[26] Il déclare à cette occasion : « Cet après-midi, ma visite au Camp de réfugiés Aïda me donne l’opportunité d’exprimer ma solidarité à l’ensemble des Palestiniens qui n’ont pas de maison et qui attendent de pouvoir retourner sur leur terre natale, ou d’habiter de façon durable dans une patrie qui soit à eux » (http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2009/may/documents/hf_ben-xvi_spe_20090513_aida-refugee-camp_fr.html).

[27] Cf. http://pape-en-israel.blogs.la-croix.com/qustandi-shomali/bethleem-aujourd’hui/

[28]http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2009/documents/hf_ben-xvi_hom_20090510_intern-stadium_fr.html

[29]http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2009/may/documents/hf_ben-xvi_spe_20090515_farewell-tel-aviv_fr.html

[30]http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2010/june/documents/hf_ben-xvi_spe_20100604_intervista-cipro_fr.html

[31] Ibid.

[32]http://www.vatican.va/roman_curia/synod/documents/rc_synod_doc_20100606_instrumentum-mo_fr.pdf

[33]http://www.vatican.va/roman_curia/synod/documents/rc_synod_doc_20101026_elenco-prop-finali-mo_fr.html

Diplomatie vaticane et chrétiens d’Orient, Iris, 24.05.2011

Cet article a paru le 24.05.2011 sur le site Internet de L’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)

Le Saint-Siège mène, sous le pontificat de Benoît XVI, une action diplomatique évidente en faveur des chrétiens d’Orient. Comprendre cette action passe par un examen de la nature de la diplomatie vaticane en général, et par un recours à certains écrits et activités pontificaux récents. La subtilité d’une telle diplomatie réside surtout dans le fait que des actes pastoraux et spirituels revêtent un caractère politique.

1- Pastorale et politique
      Le pape unit en sa personne trois fonctions différentes : il est primat de l’Église catholique, monarque absolu de l’État du Vatican et évêque du Saint-Siège. Cependant, même si cette même personne jouit de ces trois pouvoirs, il est nécessaire de distinguer l’Église catholique du Saint-Siège et de l’État de la Cité du Vatican.
      Si l’Église catholique est la communauté des baptisés ayant comme pasteur suprême l’évêque de Rome, le Saint-Siège est l’incarnation du pouvoir spirituel de cette Église, de la souveraineté abstraite qu’a le pape sur tous les catholiques du monde. Quant à l’État de la Cité du Vatican, créé à la suite des accords du Latran, il est le support territorial du Saint-Siège, sa représentation temporelle. Il existe pour lui assurer une indépendance réelle et visible dans son gouvernement de l’Église universelle et dans ses activités.
      Cependant, ce n’est pas avec l’État du Vatican que les États entretiennent des liens diplomatiques, mais avec le Saint-Siège qui est sujet souverain de droit international, qui siège au sein de certaines organisations internationales et qui possède à l’Organisation des Nations unies (ONU) le statut d’observateur permanent. Tous les ambassadeurs des États sont accrédités près le Saint-Siège, et non auprès de l’État de la Cité du Vatican.
       La négociation internationale menée par l’Église catholique est l’activité diplomatique du Saint-Siège. Toutefois, l’activité de cette diplomatie est d’une nature différente que celle des activités diplomatiques des États : les nonces apostoliques sont avant tout les représentants de l’Église catholique, le Saint-Siège n’est pas une puissance temporelle ou géopolitique, mais une puissance spirituelle et morale, et ses motivations principales sont la protection des chrétiens, notamment des catholiques, et la promotion des valeurs de la justice, de la paix et des droits de l’homme.
2- Jean Paul II, pèlerin en terre d’Orient
      La cause des chrétiens d’Orient fait partie des combats majeurs du Saint-Siège. À la fin du XXe siècle, cela était évident sous le pontificat de Jean-Paul II, qui a visité la Terre Sainte, et qui a insisté sur la nécessité de trouver l’équilibre entre de bonnes relations avec les juifs et Israël (en raison surtout de l’intérêt pour les Lieux Saints), et la promotion de l’entente islamo-chrétienne (facteur incontournable pour la présence chrétienne en Orient). En outre, le pape polonais a manifesté un attachement particulier au Liban. Celui-ci avait été la cause d’un grand malaise au Vatican dans les années 1970 puisque la seule puissance catholique au Moyen-Orient, les maronites, s’étaient engagés dans une guerre qui avait pu être très facilement interprétée sous le signe de l’hostilité vis-à-vis de l’islam. Cela nuisait aux rêves de la papauté voulant faire du Liban, identifié avec l’avenir des chrétiens orientaux, un modèle de convivialité pour les autres pays de la région, et rendait les maronites impopulaires parmi les musulmans, ce qui aggravait le danger d’un islamisme montant, très dangereux aux yeux du Vatican pour l’avenir des chrétiens orientaux.
        C’est dans le cadre de ces éléments historiques qu’il convient de comprendre l’Exhortation Apostolique de Jean-Paul II, « Une espérance nouvelle pour le Liban » (1997), qui considère les chrétiens du Liban comme la clef de voute et la condition sine qua non de tout redressement possible du christianisme moyen-oriental. Beaucoup d’éléments de ce document s’inscrivent d’une manière évidente dans le cadre des grands traits de la diplomatie du Saint-Siège qui seront traités derechef par Benoît XVI, à savoir : les dialogues œcuménique et interreligieux, le dialogue de vie entre les religions dans un cadre social et moral, les droits de l’homme et la liberté de conscience, le combat de l’émigration et la mise en garde contre tout extrémisme. Tout en délivrant un message essentiellement pastoral, Jean-Paul II ouvre tout un horizon politique à son activité spirituelle.
3 – De Jean Paul II à Benoît XVI, la continuité de l’engagement
Le pèlerinage en Terre Sainte (8-15 mai 2009)
      Les débuts du pontificat de Benoît XVI sont marqués par des évènements qui ont été interprétés comme des erreurs diplomatiques : le discours de Ratisbonne (septembre 2006) qui a suscité de vives réactions politiques et religieuses dans le monde musulman, et la réhabilitation de l’évêque intégriste négationniste Williamson (janvier 2009) qui a heurté le monde juif.
      La visite du pape en Terre Sainte (Jordanie, Territoires Palestiniens, Israël), du 8 au 15 mai 2009 est bien liée à ces deux évènements. Elle pourrait être considérée comme une clarification majeure, voire un rappel des positions du Saint-Siège aux endroits de l’islam et des musulmans, du judaïsme et des juifs. Cependant, c’est dans le cadre d’un apaisement du monde musulman et de l’État d’Israël, et d’un rappel des positions du Saint-Siège en faveur de la cause palestinienne, que le pape mène avec la plus grande prudence diplomatique un pèlerinage qui a comme but principal l’appui des chrétiens d’Orient.
      Cette visite complexe qui a duré huit jours s’est effectuée dans une ambiance de tensions plus vives que celles qui existaient lors de la visite de Jean-Paul II en 2000. Même si le pape donnait à sa visite un sens spirituel, la dimension politique était inévitable : «Chaque journée, chaque geste, chaque rencontre et chaque visite : tout aura une connotation politique», disait Fouad Twal, le patriarche latin de Jérusalem.
      Dans son entretien aux journalistes, accordé au cours de son vol en direction de la Terre Sainte le 8 mai 2009, Benoît XVI rappelait le caractère de l’action diplomatique du Saint-Siège, fondement de son appui pour les chrétiens d’Orient : « Je cherche certainement à contribuer à la paix non en tant qu’individu mais au nom de l’Église catholique, du Saint-Siège. Nous ne sommes pas un pouvoir politique, mais une force spirituelle et cette force spirituelle est une réalité qui peut contribuer aux progrès du processus de paix ». Et d’ajouter, afin de souligner le but essentiel de son pèlerinage : « Nous voulons surtout encourager les chrétiens en Terre Sainte et dans tout le Moyen-Orient à rester, à apporter leur contribution dans leurs pays d’origine »[1]. C’est dans ces perspectives que trois messages politiques majeurs peuvent être relevés lors cette visite :
1- Rassurer le judaïsme et l’État d’Israël sur le fait que le Saint-Siège ne professe aucune forme d’antisémitisme et s’y oppose.
2- Tourner définitivement la page de Ratisbonne et approfondir les relations avec les musulmans.
3- Plaider en faveur de la solution des deux États.
       Insister à plusieurs reprises sur ces trois positionnements politiques crée les conditions nécessaires pour appuyer les chrétiens d’Orient. Benoît XVI insistera durant ce voyage, sur leur présence en Terre Sainte, et sur les difficultés qu’affrontent ceux qui habitent toujours dans les endroits les plus sacrés du christianisme. Le Saint-Siège cherche effectivement, depuis l’établissement des liens diplomatiques avec Israël en décembre 1993, à avoir un libre accès aux Lieux Saints et la possibilité d’y agir pastoralement, sans limitations ni empêchements. De plus, le pape souligne le fait que la construction du « mur de sécurité » a causé la détérioration de la situation des chrétiens à Bethléem et aux alentours, et que l’immigration, sur fond économique, ne cesse de s’aggraver : il y a toutes les semaines des familles qui immigrent en Amérique, ce qui fait que les chrétiens représentent moins de 15% des habitants de Bethléem[2]. Face à cette situation alarmante, Benoît XVI consacre la part du lion de son voyage à consolider les communautés chrétiennes en Jordanie, dans le Territoire palestinien et en Israël. Il n’est pas question de déserter cette terre, de démissionner de la société ou de quitter le Moyen-Orient, puisque le christianisme a toujours un rôle majeur à y jouer, notamment entre les juifs et les musulmans, et un témoignage à rendre sur cette région des origines.
Le Synode pour le Moyen-Orient
     Benoît XVI annonce durant son voyage à Chypre (4-6 juin 2010), qu’il « représente, sous de nombreux aspects, la continuation du voyage […] accompli l’an dernier en Terre Sainte ». Même s’il déclare ne pas venir avec un message politique, mais religieux et prônant l’ouverture à la paix, le pape rappelle le rôle diplomatique du Saint-Siège en disant : « Nous pouvons également aider à travers les conseils politiques et stratégiques, mais le travail essentiel du Vatican est toujours d’ordre religieux, touche le cœur »[3]. L’un des objectifs principaux de ce voyage est la remise de l’Instrumentum laboris du Synode des évêques pour le Moyen-Orient. Sans s’étendre sur les détails de ce document, soulignons les éléments qui mettent en lumière le sujet de cet article :
1- L’implication personnelle du pape pour les chrétiens d’Orient et pour le renouveau de leurs Églises.
2- L’insistance sur les dialogues œcuménique et interreligieux.
3- Le rappel que les chrétiens sont des « citoyens indigènes » qui participent à la formation de l’identité culturelle de leurs pays.
4- La proposition d’une « laïcité positive » et le rejet du repliement sur soi et de la peur.
5- La question démographique liée à l’immigration et l’encouragement des familles nombreuses.
6- La liberté de religion (culte) et de conscience (choix de religion) sont des droits humains inaliénables qui ont comme cadre idéal la société démocratique.
7- La mise en garde contre l’islamisme et la violence qu’il suppose.
8- Le rappel de la position du Saint-Siège sur la solution des deux États.
9- L’avenir du Moyen-Orient est la responsabilité commune des chrétiens et des musulmans.
10- Le chrétien pourrait avoir une contribution spéciale pour la résolution du conflit israélo-palestinien. Par le dialogue, il peut jouer le rôle de pont entre les juifs et les musulmans. Malgré leur petit nombre, les chrétiens peuvent devenir une présence qui compte.
      La lecture des propositions finales (Propositionum) de l’Assemblée des évêques n’ajoutent pas grand-chose à ce que dit l’Instrumentum laboris. L’essentiel de ce qui a été dit et écrit depuis 2006, en Turquie, en Jordanie, en Palestine, en Israël et à Chypre est repris, mais reformulé et contextualisé par l’Assemblée des évêques moyen-orientaux. Cependant, il est difficile de séparer le pastoral du politique, car si certaines propositions relèvent de considérations « spirituelles » pures (la parole de Dieu ou la liturgie par exemple), d’autres propositions débouchent clairement sur des questions aux horizons politiques (les droits de l’homme ou la forme de l’État). Cela souligne encore une fois la subtilité de l’action diplomatique du Saint-Siège où tout acte « spirituel » échappe difficilement à la dimension politique. En voulant encourager les chrétiens d’Orient, et en les raffermissant dans leur foi, le Saint-Siège pose forcément un acte politique majeur qui suppose au moins la résistance à l’affaiblissement des chrétiens d’Orient et leur disparition, et au plus, un redressement de ce christianisme qui fait de lui un facteur de vie indispensable dans tous les pays arabes où il existe.
      Les Propositionum montrent à quel point le Synode des évêques pour le Moyen-Orient dépend de la politique internationale que le Saint-Siège pratique depuis plusieurs décennies. Celle-ci insiste surtout sur l’attachement à la terre, sur les droits de l’homme et sur les dialogues œcuménique et interreligieux.
Conclusion

Il n’y a pas de doute que le Saint-Siège joue un rôle majeur en faveur des chrétiens du Moyen-Orient. Cependant, au vu des mutations très rapides et peu favorables à ces chrétiens durant ces dernières décennies, une question fondamentale ne cesse de s’imposer à tout observateur averti de cette région du monde : est-ce que la diplomatie vaticane et les efforts des communautés locales, pourraient occasionner un véritable renouveau du christianisme oriental, ou du moins, une stabilisation de certains acquis positifs que ces communautés possèdent encore aux endroits de la culture, de la politique, de l’économie ou de la démographie ? Les années à venir seraient probablement porteuses de réponses qu’une multitude d’hommes et de femmes espèrent positives.

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La théologie contextuelle arabe. Paris, L’Harmattan, 2011, 332 p.

TCA 1

 

« Une analyse remarquable de quelques théologiens libanais, dont les écrits, souvent composés en arabe, sont rendus accessibles à un public francophone. […] Il s’agit d’un ouvrage personnel et original, précis, systématique et nuancé, d’un haut niveau scientifique et de grande actualité ».Professeur Herman Teule, Faculté de théologie de l’Université de Nimègue, Pays-Bas, Faculté de théologie de l’Université de Louvain, Belgique.

« D’une valeur académique incontestable, […] l’objet de cette thèse offre une matière scientifique considérablement riche sur l’histoire, la théologie et la vie des communautés chrétiennes au Liban sous ses aspects : humain, culturel, politique, œcuménique et interreligieux. Y figurent également les multiples défis auquels devraient faire face les chrétiens en ce tournant décisif du Moyen-Orient ».Professeur Gaby Hachem, Faculté pontificale de théologie de l’Université Saint Esprit de Kaslik, Liban.

Exercices de parler libanais, Paris, L’Harmattan, 2011, 124 p.


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Les Exercices de parler libanais s’inscrivent dans la continuité du Manuel de parler libanais, édité chez L’Harmattan en décembre 2010.

Il est tout à fait possible d’utiliser les Exercices sans passer par le Manuel. Cependant, les deux ouvrages se complètent et peuvent se révéler, ensemble, comme un puissant moyen pour l’apprentissage du parler libanais. Si le Manuel insiste beaucoup sur la grammaire, les Exercices sont davantage versés sur l’intuition et la pratique de la langue.

Le CD qui accompagne les Exercices permet de travailler la prononciation et d’améliorer l’articulation des mots.

N’hésitez pas à visiter : www.parlerlibanais.fr

Promotion du “Manuel de parler libanais”, LBC, 24.01.2011

Antoine Fleyfel est l’invité de l’émission “Helwa w morra” sur la chaine libanaise “LBC” pour la promotion de son livre “Manuel de parler libanais” paru aux éditions de L’Harmattan.