Article paru dans Vues d’ensemble, publication trimestrielle de l’Université catholique de Lille
n. 65, octobre 2016, p. 37
Depuis plusieurs années, en évoquant les événements tragiques au Moyen-Orient, ceux engageant plusieurs organisations terroristes, expressions de l’islam dit radical, l’on se pose la question de l’avenir des chrétiens en Orient. Dans les médias, dans la presse et dans bien des ouvrages, beaucoup se plaisent à jouer les Cassandre, annonçant la fin de communautés deux fois millénaires. Cependant, tout le monde ne s’apprête pas à écouter le chant du cygne de ces chrétiens ; d’aucuns croient que leurs horizons demeurent en Orient, en dépit d’un contexte géopolitique extrêmement complexe et violent.
L’islam radical comme facteur négatif
Il n’y pas de doute, l’islam radical, dont les composantes majeures actuelles sont les organisations terroristes salafistes jihadistes (État islamique et à Al-Qaïda à leur tête) mais aussi les Frères musulmans dans une certaine mesure, joue un rôle très négatif sur le plan de l’avenir des chrétiens en Orient. Les communautés chrétiennes n’existent effectivement plus dans les régions occupées par Daech en Irak et en Syrie. Les exemples de Mossoul, de la plaine de Ninive ou de Raqqa révèlent l’aspect exclusif de ces organisations qui rejettent toute différence. Ainsi, l’on ne peut s’étonner de l’exode (temporaire espérons) des chrétiens de ces régions. Quant aux Frères musulmans, lorsqu’ils étaient au pouvoir en Égypte (2012-2013), ils pratiquèrent une politique islamisante, encore plus discriminatoire que celle de leurs prédécesseurs (depuis Nasser), reléguant les chrétiens à un statut de sous-citoyenneté poussée.
Une généralisation périlleuse
Oui, l’islam radical nuit à l’avenir des chrétiens en Orient, mais une analyse froide de la situation se garderait de prédire leur fin ; y croire supposerait la généralisation d’une situation extrême mais très limitée. Car si les organisations jihadistes compromettent l’avenir des chrétiens en Irak, il n’en est pas de même dans d’autres pays, tels le Liban, la Jordanie ou l’Égypte, pays où le christianisme, loin d’être en état d’extermination, assume toujours la responsabilité de son avenir. Quant à la situation des chrétiens en Syrie, elle diffère de celle de ceux d’Irak, en raison d’une donne géopolitique différente. Comme les musulmans, les chrétiens subissent les conséquences de la guerre et, nonobstant les difficultés qu’ils vivent, ils auront à reconstruire la Syrie avec leurs concitoyens une fois le cauchemar de la guerre terminé.
L’islam radical ne durera pas. Le règne des Frères musulmans a très vite pris fin en Égypte et selon toute vraisemblance, il existe une volonté internationale sérieuse d’en finir avec Daech ; cela se vérifie de plus en plus sur le terrain. Ce changement de situation ne pourra être que bénéfique aux chrétiens qui, en dehors des zones immédiates de guerre, infime étendue par rapport à la géographie de leur présence au Moyen-Orient, œuvrent pour leur avenir sur moult plans. À travers l’éducation, l’engagement social, patriotique et politique, l’économie, le dialogue des religions et des cultures, ils sont un facteur de paix et de diversité important pour l’avenir du Moyen-Orient et l’évolution du monde arabe.
Antoine Fleyfel
Faculté de théologie
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