Publié dans l’Orient Le Jour le 26.09.2013
RENCONTRE-DÉBAT À PARIS C’est sous le thème des « Chrétiens d’Orient » qu’une rencontre a été organisée à l’iReMMO (Institut de recherche et d’études Méditerranée et Moyen-Orient) avec Carole Dagher, écrivain, journaliste et politologue, et Antoine Fleyfel, maître de conférences à l’Université catholique de Lille et docteur en philosophie et en théologie, et ce à l’occasion de la parution de leurs nouveaux ouvrages, Réflexions libanaises et Géopolitique des chrétiens d’Orient, tous deux parus dans la collection Pensée religieuse et philosophique arabe, chez L’Harmattan.
Dans Réflexions libanaises, Carole Dagher aborde les quatre axes d’appartenance identitaire qui sont les siennes : être libanaise et maronite, faire partie de la chrétienté d’Orient et porter un patrimoine culturel arabe. Quand on appartient à ces quatre ensembles à la fois, quel rôle assumer dans son environnement ? « Sommes-nous maîtres de notre destin ou bien condamnés à reproduire les schémas inhérents à notre géographie sociale, religieuse, politique ? Avons-nous encore la capacité de façonner l’avenir ou seulement le luxe de le penser ? Le Liban est-il une belle idée qui peine à se matérialiser ? » s’interroge l’auteure. Elle y analyse notamment les rouages d’une démocratie libanaise, à l’origine « idéale », mais que les marchandages confessionnels ont viciée, y rend un hommage notoire à deux figures maronites qui l’ont marquée, les pères Youakim Moubarak et Michel Hayek, tente de formuler la vocation des chrétiens d’Orient et aborde les questions fondamentales de la reconstruction d’un État de droit, qui reste le grand chantier à réaliser, au Liban comme dans tout le monde arabe, en appelant de ses vœux une nouvelle renaissance arabe.
Antoine Fleyfel analyse, quant à lui, avec beaucoup d’acuité, l’espace géographique, historique et culturel, des chrétiens du Proche-Orient arabe, dans les six pays du Machreq, le Liban, la Syrie, la Jordanie, la Terre sainte, l’Irak et l’Égypte. Cet espace qui « modèle et détermine leur présence, leur politique et leur avenir, est en extension, dans le sens où leur cause traverse, grâce à la mondialisation, les frontières de leur pays, pour parvenir aux diasporas et aux États », précise-t-il. Grâce aux technologies de l’information, cet espace devient aussi celui de la circulation des informations. L’auteur, qui s’occupe également des relations académiques de l’Œuvre d’Orient, annonce la couleur dès l’introduction : récusant les « prophéties de malheur » qui prédisent la disparition des chrétiens d’Orient, il considère que ceux-ci, en tant que chrétiens arabes, « appartiennent au devenir de leurs pays » et vivent des situations politiquement, ou géopolitiquement, différentes. Les rapports de force auxquels ils sont soumis sont essentiellement liés au facteur démographique, au pouvoir économique, politique et militaire, ainsi qu’aux idées, cultures et religions, souligne encore Antoine Fleyfel.
Cette approche géopolitique des chrétiens d’Orient pousse l’auteur à développer leur histoire dans chaque pays abordé, leur statut, leur rapport à l’islam, les problèmes socio-économiques et politiques auxquels ils sont confrontés et les perspectives d’avenir. Cette approche différenciée et « nationale » permet d’envisager avec plus de nuances la situation et le combat spécifique des chrétiens dans leurs pays respectifs, sans généralisation. C’est, pour l’auteur de la Théologie contextuelle arabe – Modèle libanais (2011), qui dédie son livre au philosophe Mouchir Aoun, l’approche la plus réaliste qui soit d’une cause qui est loin d’être uniforme.
Leave a Reply