Les catholiques orientaux en France : histoire et présence
La présence des communautés catholiques de rite oriental en France est assez récente, la plupart d’entre elles étant arrivées à la fin du XIXe siècle.
On peut en distinguer de deux genres : celles dépendant de l’Ordinariat, organe de l’Église de France et plus particulièrement de l’Archevêché de Paris, qui a juridiction sur les prêtres orientaux n’ayant pas d’évêque propre en France, et celles constituées en diocèses et qui ont donc un évêque en France.
I- Les communautés catholiques orientales dépendant de l’ordinariat
Toute Église orientale catholique présente sur le sol français et n’ayant pas de diocèse dépend de l’Ordinariat des catholiques orientaux de France.Institué en France par le pape Pie XII en 1954, cette juridiction qui relève de l’Archevêque de Paris appelé Ordinaire, a pour mission de gérer les communautés orientales n’ayant pas d’évêque propre. Le premier Ordinaire fut le cardinal Feltin, archevêque de Paris depuis 1949, qui érigea la plupart des paroisses de rite oriental en France et qui y nomma les premiers curés.
L’archevêque de Paris est assisté pour cette tâche par un vicaire général. À ce jour, l’Ordinaire est Mgr Michel Aupetit et son vicaire Mgr Pascal Gollnisch. L’Ordinariat honore sa mission en lien étroit avec la Congrégation pour les Églises orientales, à Rome, ainsi qu’avec les patriarches des Églises orientales concernées.
Les grecs-catholiques hellènes de Cargèse
Il s’agit de la plus ancienne communauté catholique orientale implantée en France. Ses origines remontent à 1675, lorsque 600 croyants orthodoxes du Magne (Grèce actuelle) se réfugièrent en Corse pour fuir les Ottomans. Les autorités de l’époque, génoises, acceptèrent de les accueillir à condition de rentrer en communion avec le pape, ce qu’ils firent. Leur histoire fut parsemée de troubles, essentiellement politiques. Leur chapelle actuelle, dédiée à saint Spiridon, fut construite en 1894 à Cargèse. Au service de la petite communauté de 400 âmes, elle n’a pas de curé permanent mais peut compter sur des prêtres qui viennent de la Grèce pour les grandes célébrations.
Les grecs-melkites catholiques
La présence melkite en France remonte au début du XIXe siècle. Un premier lieu de culte, l’église Saint-Nicolas-de-Myre à Marseille, fut dédié aux anciens soldats melkites recrutés par Napoléon et à ceux qui fuirent les persécutions ottomanes en 1821.
La fin du siècle vit arriver d’autres vagues migratoires, toujours sur fond de persécution. Il en résulta l’affectation, en 1888, d’un autre lieu de culte, la très ancienne église Saint-Julien-le-Pauvre à Paris. À partir de la moitié du XXe siècle, son curé devint le représentant de son patriarche auprès des autorités françaises. Mgr Charbel Maalouf occupe ce poste depuis 2011. Assisté de trois prêtres, il est au service de 10 000 croyants répartis sur les deux paroisses de Paris et Marseille.
Les chaldéens
La présence chaldéenne en France remonte à la fin du XIXe siècle. Elle avait comme cause directe les violences perpétrées par les Ottomans. La Première Guerre mondiale et le génocide assyro-syro-chaldéen (Sayfo) qu’elle engendra accélérèrent le mouvement de migration.
Néanmoins, c’est à la moitié du XXe siècle que se constitua la première communauté chaldéenne avec des points d’ancrage à Toulouse et à Paris. La paroisse Notre-Dame-de-Chaldée fut fondée en 1946, mais le lieu de culte ne fut construit que bien plus tard et inauguré en 1992.
Les conflits entre les Turcs et les Kurdes se poursuivirent tout au long du siècle et furent l’occasion de nouveaux départs qui enrichirent la communauté en France, les chaldéens se trouvant pris en tenaille entre les deux ennemis. Enfin, les guerres successives en Irak furent responsables de grands déplacements et, par conséquent, d’émigration vers la France.
La communauté connait une importante vitalité démographique. On dénombre plus de 20 000 chaldéens en France, dont les paroisses desservies par cinq prêtres se trouvent à Paris, Marseille, Vaulx-en-Velin, Sarcelles et Arnouville. Une communauté religieuse, les Filles du Sacré-Cœur, est installée à Sarcelles et assiste le curé de la paroisse.
Les syriaques catholiques
La présence syriaque catholique en France date des années 1920. Elle a pour cause directe le génocide perpétré par les Jeunes-Turcs. Dès 1925, un lieu de culte leur est dédié : l’église Saint-Éphrem à Paris. Dans un premier temps, il ne fut pas desservi par un prêtre de manière continue.
La guerre du Liban (1975-1990) et les guerres successives en Irak furent l’occasion de plusieurs vagues migratoires amenant les effectifs syriaques catholiques à plus d’un millier de personnes en France.
Aujourd’hui, la communauté dispose de deux paroisses, à Paris et à Tours, desservies par deux prêtres. Le père Élie Wardé, curé de Saint-Éphrem, est en charge de la communauté depuis 2007.
Les grecs-catholiques roumains
La présence des grecs-catholiques roumains en France trouve sa source dans l’arrivée au pouvoir du gouvernement communiste dans leur pays en 1948. Fuyant les persécutions responsables du martyre de nombreux évêques, prêtres et croyants, certains se réfugièrent à Paris. Leur paroisse, Saint-Georges des Roumains, fut fondée en 1954.
La chute du communisme en 1989 vit l’arrivée de nouveaux migrants. Les murs devinrent trop étroits. Aussi, le cardinal Lustiger mit à la disposition de la communauté la chapelle des Sœurs de Marie-Réparatrice, à Paris pour les célébrations dominicales.
Le père Cristian Crisan, aidé par un autre prêtre, est aujourd’hui le curé de la paroisse, au service des 2 000 grecs-catholiques roumains demeurant en région parisienne.
Les coptes catholiques
Les coptes catholiques sont arrivés en France récemment. La nationalisation du canal de Suez par Nasser en 1956, la défaite de 1967 contre Israël (guerre des Six-Jours) et l’assassinat de Sadate en 1981 entrainant une islamisation progressive de la société égyptienne ont provoqué leur émigration vers l’Hexagone.
Les coptes catholiques sont principalement implantés en Île-de-France. Leur paroisse, Notre-Dame d’Égypte, partagée avec l’Église latine mais possédant une iconostase copte, existe depuis 1989.
Aujourd’hui, le père Yossab Doos, aidé par un diacre permanent, est le recteur de la Mission copte catholique de Paris qui est au service d’environ 1 500 coptes résidant en France.
Les syro-malabars
La présence des syro-malabars en France date des années 1960. La communauté commença à se constituer parmi les diplomates indiens qui étaient souvent accompagnés de leurs proches. Rejoints par d’autres familles émigrées, ils formèrent le premier noyau syro-malabar de France.
Composée de 300 fidèles environ, la communauté n’a toujours pas de paroisse propre. Elle se réunit une fois par mois à la crypte des Missions étrangères de Paris pour la célébration liturgique. Depuis 2013, celle-ci est assurée par un prêtre syro-malabar envoyé par son patriarche pour être au service des fidèles.
Paroisses et communautés catholiques de tradition byzantine
L’arrivée en France en 1917 de Russes fuyant le communisme a permis la constitution d’une petite communauté russe catholique de rite byzantin. Reconnue en 1927 par l’archevêque de Paris, elle devint la Mission russe catholique de la Sainte-Trinité. Érigée en paroisse en 1954, son curé est actuellement le père Jean-Louis Lemaire. Il est au service de quelques 600 fidèles.
Après la Première Guerre mondiale, une seconde communauté russe catholique vit le jour à Lyon. Pour répondre aux besoins spirituels et liturgiques de cette nouvelle communauté, une chapelle fut créée en 1932, sous le patronage de Saint-Irénée de Lyon. Elle fut érigée en paroisse en 1956. Elle changea de lieu en 1991. Son curé actuel est le père Emmanuel Fritsch. Il est au service d’une communauté de 450 personnes aux origines désormais multiples.
Érythréens et éthiopiens catholiques
Les communautés éthiopienne et érythréenne sont en pleine expansion en France. Le projet de créer une paroisse pour la centaine de croyants qu’elles représentent est en cours.
À l’heure actuelle, une messe est célébrée chaque mois pour ces deux communautés à la chapelle de la Médaille miraculeuse de la rue du Bac à Paris.
II-Les éparchies catholiques orientales en France
Les éparchies (ou diocèses) des Églises catholiques orientales en France furent érigées à la suite des revendications des communautés dont les effectifs devenaient très importants. Elles ne dépendent plus alors de l’Ordinaire des orientaux mais de leur éparque (évêque).
Éparchie Sainte-Croix de Paris des Arméniens
La présence arménienne en France date des années 1920. Elle est une des conséquences du génocide arménien perpétré par les Jeunes-Turcs lors de la Première Guerre mondiale. Le clergé et les religieuses présents en France furent très actifs aux côtés de leur communauté, créant notamment des orphelinats et des établissements scolaires.
En 1960, l’Église arménienne catholique est constituée en exarchat apostolique en France grâce au pape Jean XXIII avec à sa tête un exarque rattaché directement au Patriarcat arménien catholique.
En 1980, une nouvelle vague de migration en provenance du Liban en guerre arrive en France. Jean-Paul II élève alors l’exarchat du rang d’éparchie (diocèse). Baptisé Éparchie Sainte-Croix de Paris, du nom de la cathédrale des arméniens catholiques en France, le diocèse est dirigé par Mgr Élie Yéghiayan. Il compte aujourd’hui quatre prêtres et trois religieuses au service d’une communauté de 30 000 croyants répartis dans six paroisses : Marseille, Valence, Saint-Chamond, Villeurbanne, Paris et Arnouville-lès-Gonesse.
Éparchie Saint-Vladimir le Grand de Paris des Ukrainiens
La présence ukrainienne en France date du début du XXe siècle et voit son origine dans la révolution bolchevique et ses conséquences en Ukraine qui entraina un vaste mouvement migratoire. Les Ukrainiens se souviennent encore avec douleur de la famine causée par Staline, entre 1932 et 1933, qui coûta la vie à quatre millions des leurs.
En 1960, le pape Jean XXIII érigea un exarchat apostolique pour les Ukrainiens de France. C’est en 2013 que le pape Benoît XVI l’éleva au rang d’éparchie (diocèse) baptisée Saint-Volodymyrle Grand, du nom de la cathédrale gréco-catholique ukrainienne de Paris. Mgr Borys Gudziak est à sa tête depuis 2012. Aidé de dix-huit prêtres et de trois diacres permanents, il est au service de 30 000 croyants à Paris, Lyon, Lourdes, Chalette-sur-Loing, Metz et Nancy.
Éparchie maronite Notre-Dame du Liban
La présence maronite en France date de la fin du XIXe siècle. Elle s’officialisa par un arrêté datant du 1er septembre 1892 autorisant le culte maronite et mettant à sa disposition la chapelle du Petit-Luxembourg dès 1893. Après plusieurs changements de lieux de culte, c’est la chapelle Sainte-Geneviève, rue d’Ulm, rebaptisée Notre-Dame du Liban, qui devint l’édifice religieux par excellence de la communauté en 1914.
Plusieurs vagues migratoires ayant pour cause les troubles et différentes guerres que le Liban dut affronter tout au long du XXe siècle, dont la guerre de 1975-1990, firent arriver en France de nombreux maronites.
Le 21 juillet 2012, le pape Benoît XVI créa l’éparchie Notre-Dame du Liban de Paris des maronites (du nom de leur cathédrale) qui reçut comme premier évêque Mgr Nasser Gemayel.
Mentionnons à titre indicatif quelques paroisses : Notre-Dame du Liban à Paris, Notre-Dame du Liban à Marseille, Notre-Dame du Liban à Lyon, Saint-Charbel à Suresnes ; mais aussi des missions : Bordeaux et Gironde, Nice et Alpes Maritimes, Alfortville, Taverny et Lille. Quatre ordres religieux maronites sont présents en France : l’Ordre antonin maronite, l’Ordre des sœurs antonines, la Congrégation des sœurs maronites de la Sainte-Famille et l’Ordre libanais maronite. Ces congrégations ne dépendent pas forcément du diocèse, affiliation pontificale oblige.
En 2018, le diocèse compte treize prêtres au service des 85 000 maronites que l’on recense en France. L’Évêché se trouve à Meudon et la communauté d’Île-de-France s’est vu attribuer une nouvelle église à Issy les Moulineaux.
Ce bref aperçu met en évidence trois réalités qui concernent presque toutes les communautés orientales présentes en France. Tout d’abord, la France est pour elles une terre de refuge et d’accueil où elles peuvent s’établir et vivre librement leur engagement religieux. Ensuite, les causes principales de l’émigration vers la France sont les violences subies par les communautés chrétiennes dans leur pays d’origine comme les génocides arménien et assyro-syro-chaldéen, les guerres sur le sol libanais, les politiques arabes ou les persécutions communistes. Enfin, il y a un vrai souci du Saint-Siège et de l’Église de France d’organiser la vie de ces communautés, dans le cadre de l’Ordinariat ou à travers la création d’éparchies.
Mon souhait profond est que ces diocèses et paroisses puissent continuer à être l’occasion d’une rencontre enrichissante entre les différentes cultures et traditions ecclésiales et qu’ils préservent leur héritage propre tout en s’adaptant au contexte français par une ouverture sérieuse, nécessaire et incontournable. Les diocèses et paroisses ont la responsabilité d’être le lien entre leur terre d’origine et les lieux d’accueil, en œuvrant pour les croyants sur place sans oublier leur communauté-mère dont ils doivent appuyer la présence sur le territoire originel.
Si l’arrivée de catholiques orientaux en France se fait souvent sur fond d’évènements dramatiques, ils sont indubitablement appelés à témoigner de la beauté de la différence dans la communion.
Antoine Fleyfel
Bulletin de l’Œuvre d’Orient, n. 795, avril-juin 2019, p. 454-459.
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