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Questions sur la crise syrienne, La Croix, 14.02.2012

Alors que le conflit en Syrie prend des allures de guerre civile, trois experts en analysent les causes et les conséquences, notamment pour les chrétiens.

Le régime syrien a lancé mardi 14 février donné un assaut le plus violent depuis des jours sur la ville rebelle de Homs, avec « en moyenne deux roquettes qui tombent par minute », a indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) en début d’après-midi.

Au moins six civils ont été tués, venant s’ajouter aux 6 000 morts de la répression du régime de Bachar Al Assad depuis onze mois.

Dans la troisième ville du pays où plus de 300 personnes ont péri depuis le 4 février, le temps presse et la crise humanitaire est de plus en plus intolérable. Les gens sont « entassés dans les abris » et « les morts sont enterrés depuis une semaine dans les jardins car même les cimetières et les tombes sont visés » indiquait mardi 14 février à l’AFP Hadi Abdallah, membre du « Conseil de la révolution de Homs ».

L’incapacité du Conseil de sécurité de l’ONU à se mettre d’accord sur une action collective a « encouragé le gouvernement syrien à lancer un assaut sans retenue dans le but d’écraser la dissidence », a estimé lundi 13 février la haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Navi Pillay. Profondément divisée sur la crise, la communauté internationale l’est encore plus sur la proposition d’une force de paix avancée la veille par la Ligue arabe : Paris a mis en garde contre toute action « à caractère militaire », Moscou exigé un cessez-le-feu et Washington souligné qu’en l’absence de paix, une telle initiative était compliquée.

« La Croix » a interrogé trois spécialistes du pays Antoine Fleyfel, théologien et philosophe franco libanais, Karim Bitar, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), et Fabrice Balanche, maître de conférences à l’Université Lyon II réagissent passent en revue la situation intérieure du pays, le contexte géostratégique et la place des chrétiens.

LA CROIX : QUELLE EST LA SITUATION INTÉRIEURE EN SYRIE ?

Antoine Fleyfel : « Je redoute vraiment une guerre civile. D’une part, parce que le conflit s’est militarisé entre l’armée syrienne et l’armée de la Syrie libre. D’autre part, parce que des factions islamistes ont tout intérêt à mettre en avant des aspects confessionnels dans ce conflit, pour que les oppositions entre sunnites et alaouites, entre musulmans et chrétiens prennent le dessus. Aujourd’hui, plusieurs scénarios sont possibles, selon que le régime de Bachar Al Assad tombe ou pas. »

Karim Bitar : « En Syrie, deux éléments ouvrent la voie à une guerre civile : la montée des tensions entre communautés religieuses et la militarisation excessive de l’armée et des opposants. On n’est plus du tout dans une logique de révolution arabe comme en Tunisie. Pour l’instant, Bachar Al Assad n’a pas trop de soucis à se faire. L’armée lui est fidèle, il a de nombreux soutiens extérieurs comme l’Iran, la Chine et la Russie, et il sait que les Occidentaux ne se risqueront pas à une intervention en 2012. Mais je pense qu’à moyen terme, il est condamné, car, économiquement, le régime est très affaibli. Les sanctions économiques qui l’empêchent de vendre son pétrole à l’Europe représentent une perte de 450 millions d’euros par mois. Les recettes fiscales ont également baissé de 50 %. Bientôt, Damas ne pourra plus financer la répression, sauf si l’Iran lui fait des chèques en blanc. »

Fabrice Balanche : « On ne peut pas généraliser, mais dans certains endroits, comme à Homs, on peut déjà parler d’une guerre civile communautaire. L’armée syrienne, majoritairement composée d’alaouites, attaque régulièrement les quartiers sunnites. Autre indicateur, on trouve beaucoup de familles divisées entre opposants et partisans du régime. Pour le moment, Bachar Al Assad a en face de lui une opposition très divisée. Les dirigeants du Conseil national syrien (CNS, la principale coalition) et le Conseil national pour le changement démocratique (CNCD, opposition ancienne favorable à la laïcité) se détestent. En plus, ils ne sont pas d’accord sur le principe d’une intervention étrangère en Syrie, réclamée par le CNS, et à laquelle le CNCD s’oppose catégoriquement. Le CNS ne représente qu’une partie de l’opposition basée à l’étranger. Son chef, Burhan Ghalioun, n’est qu’une marionnette, il n’a aucun pouvoir. C’est le Qatar et les Frères musulmans qui pilotent tout. »

LA CROIX : QUEL EST LE CONTEXTE GÉOSTRATÉGIQUE ?

Antoine Fleyfel : « Plusieurs pays occidentaux, dont la France, ont pressé le Conseil de sécurité de l’ONU d’adopter une résolution contre la Syrie. Après un précédent texte en octobre 2011, bloqué par un veto russe et chinois, les 15 pays membres du Conseil de sécurité ont renoncé le 4 février dernier, pour ne pas heurter Moscou, à adopter un texte qui soutenait les décisions prises par la Ligue arabe en janvier en vue d’assurer une transition vers la démocratie en Syrie, avec transfert des pouvoirs du président syrien Bachar Al Assad à son vice-président. Désormais, la Ligue arabe accepte de fournir un soutien politique et matériel à l’opposition syrienne et de demander au Conseil de sécurité la formation d’une force conjointe ONU-Arabes pour mettre fin aux violences en Syrie. »

Karim Bitar : « Parmi toutes les révolutions arabes, le cas syrien est le plus complexe. Actuellement, on assiste à une guerre froide entre l’axe Iran-Irak-Hamas et les pétromonarchies du Golfe, qui cherchent à étendre leur influence dans la zone. L’ironie du sort, c’est que la Syrie, qui autrefois instrumentalisait les conflits interreligieux sur le territoire libanais, joue aujourd’hui le rôle du Liban : elle est devenue l’objet de l’affrontement entre les puissances régionales. L’Iran fournit des armes au régime, tandis que l’Arabie saoudite soutient l’opposition syrienne. »

Fabrice Balanche : « Au-delà du contexte régional, il y a clairement une lutte d’influence entre les grandes puissances. Depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, la Russie s’efforce de reprendre pied dans les zones où l’URSS était présente avant l’effondrement du bloc soviétique, que ce soit dans le Caucase, en Asie centrale ou au Moyen-Orient. Surtout, Moscou craint la contagion des révolutions arabes à l’intérieur même de ses frontières. De son côté, la Chine, dont la montée en puissance est plus récente, aspire à jouer un rôle diplomatique de premier plan. Elle veut aussi stabiliser la Syrie, car elle a besoin d’hydrocarbures pour se développer. Ces deux alliés de Damas ont donc intérêt à voir Bachar Al Assad rester au pouvoir, cela explique pourquoi ils bloquent la situation à l’ONU en apposant systématiquement leur veto. »

LA CROIX : OÙ EN SONT LES CHRÉTIENS ?

Antoine Fleyfel : La situation des chrétiens – environ 7 % de la population syrienne – varie selon les villes. Quelques familles chrétiennes de Homs et Hama fuient les combats pour se réfugier dans d’autres régions du pays, mais, pour le moment, il n’y a pas d’exode massif des chrétiens hors de Syrie. Dans la plupart des cas, musulmans et chrétiens subissent le même sort.
Depuis le début des troubles, la grande majorité des chrétiens syriens ménage le pouvoir en place, avec qui ils ont toujours eu de grandes affinités et à cause de leur crainte de voir la révolte aboutir à l’installation d’un régime islamiste. D’ailleurs, l’opposant et militant chrétien des droits de l’homme Michel Kilo, qui comptait parmi les “pères” du printemps arabe, a pris ses distances par rapport à la révolte syrienne à cause de la tournure violente et armée qu’elle a prise. Lui, comme d’autres chrétiens, revendiquait des réformes, mais pas la chute du régime de Bachar Al Assad. La plupart des autorités chrétiennes, catholiques et orthodoxes confondues, ont pour leur part pris position en faveur du régime, d’où la crainte des chrétiens d’être victimes de représailles de la part des opposants. Et puis, les chrétiens syriens n’ont pas oublié ce qui s’est passé pendant la guerre au Liban (1975-1990) et ils ont sous les yeux l’exemple de l’Irak : la crainte est réelle pour eux qu’une intervention internationale puisse contribuer à la montée de l’islamisme. »

Karim Bitar : « Les chrétiens de Syrie sont complètement traumatisés par l’expérience irakienne. Plus de la moitié des chrétiens d’Irak ont dû fuir leur pays sous la menace des persécutions, et 1,2 million d’entre eux ont trouvé refuge en Syrie après la chute de Saddam Hussein. C’est pour cette raison que la communauté chrétienne et notamment les patriarches restent fidèles au régime, mais ce soutien pourrait devenir dangereux si Bachar Al Assad finit par tomber. Il y a quand même quelques chrétiens dans l’opposition. Georges Sabra, l’opposant chrétien qui dirige le Parti du peuple démocratique, pourrait d’ailleurs prendre la suite de Burhan Ghalioun à la tête du Conseil national syrien. Ce serait un signal fort pour encourager les chrétiens de Syrie à se désolidariser du pouvoir.»

Fabrice Balanche : « Les chrétiens de Syrie, en majorité des grecs-orthodoxes et des arméniens, sont très inquiets pour leur avenir. Beaucoup d’entre eux ont été intégrés dans l’administration et même l’armée syriennes, et ont apporté leur soutien au pouvoir en place dès le mois d’avril 2011. Car tant que le régime de Bachar Al Assad résiste, ils sont à l’abri de l’hégémonie des sunnites, majoritaires, qui pourraient imposer un islam radical. Ils redoutent que l’expérience irakienne se répète. Déjà, certains ont fui après avoir été persécutés par les salafistes syriens. Un véritable processus d’élimination des minorités chrétiennes est en marche au Proche-Orient, et il a commencé dès le début du XXe siècle, en Turquie, avec le génocide arménien. »

Recueilli par Claire Lesegretain et Célia Lebur
La Croix
14.02.2012

Pour un discours de foi adapté aux problématiques nouvelles, L’Orient Le Jour, 24.12.2011

PARIS, de Carole DAGHER

Antoine Fleyfel a récemment signé son ouvrage sur « La Théologie contextuelle arabe » à l’Office du tourisme.

12.06.2008.e

Il a l’enthousiasme de la jeunesse et l’audace de pensée qui lui est propre. Blouson de cuir et casque de motard, Antoine Fleyfel bouleverse la docte image que l’on se fait d’un… docteur en théologie et en philosophie. Et pourtant… Il parle avec passion de ce qui le travaille depuis l’âge de 16 ans, à savoir le besoin de « comprendre ma foi, l’Église, les religions ». Il évoque ses engagements dans la vie pastorale de son Église (chorale, groupes de jeunes, veillées évangéliques, lecture de la Bible et de la vie des saints, pèlerinages, mouvements charismatiques…), ses études de théologie à la faculté pontificale de l’USEK d’abord, à « la Catho » de Paris et à Strasbourg ensuite, simultanément avec des études de philosophie (Sorbonne), et sa passion pour la liturgie orientale aussi bien que pour la musique (dont il fut à deux doigts de décrocher la licence). Puis il développe les thèmes de son brillant ouvrage académique : La Théologie contextuelle arabe, modèle libanais, paru dans la collection religieuse qu’il dirige chez L’Harmattan et qu’il signait il y a quelques jours à l’Office du tourisme du Liban à Paris. Ce travail méritoire et pionnier de présentation et d’analyse des écrits des théologiens libanais Youakim Moubarak, Michel Hayek, Grégoire Haddad, Georges Khodr et Mouchir Aoun lui a valu déjà d’être invité dans plusieurs émissions radio ou à la télévision en France pour faire le point de la situation des chrétiens en Orient et des défis auxquels ils doivent faire face aujourd’hui.

Ce livre, explique-t-il à L’Orient-Le Jour, est né d’une interrogation fondamentale qui l’a saisi à l’étude des grands théologiens occidentaux : « Ne puis-je pas mener un discours de foi, un discours religieux contextuel arabe libanais qui réponde à mes problématiques sans être aliéné par deux choses : la tradition et l’Occident ? » Marqué par des philosophes comme Spinoza, Hegel, Kant, Heidegger, ainsi que par les grands théologiens occidentaux comme Bultmann, Kasemann, Küng, de même que par la théologie libérale, Fleyfel a voulu combler le clivage entre « une recherche intellectuelle qui pousse les choses jusqu’à son bout, et un discours religieux et théologique au Liban qui relève d’un autre âge et qui ne répond pas aux attentes existentielles et contextuelles » de nos contemporains. Honorer la tradition, les pères syriaques et les pères cappadociens, saint Ephrem, Grégoire de Nysse, saint Charbel n’interdit pas d’adapter le discours théologique aux problématiques actuelles, et sans forcément devoir traduire dans le but d’appliquer des théologies occidentales.

« Quand j’ai commencé la théologie à Kaslik en 1995, le thème de l’acculturation était à la mode. C’est un néologisme théologique créé par les jésuites dans les années 70, surtout dans les milieux africains, et adopté par Jean-Paul II dans sa lignée évangélisatrice, explique Fleyfel. Mais ceci répond à une logique occidentale propre, qui reste étrangère à la pensée orientale. »

Cherchant un discours théologique propre local, le jeune docteur en théologie découvre, grâce au père Mouchir Aoun, un corpus impressionnant de théologie contextuelle libanaise, regroupant les écrits des pères Michel Hayek, Youakim Moubarak, Mouchir Aoun et Jean Corbon, des évêques Georges Khodr et Grégoire Haddad, et du philosophe Paul Khoury, « qui refuse de s’inscrire dans un corpus théologique ». Ces auteurs, hautes figures du clergé libanais, partagent des points communs : « Ils traitent, chacun à sa manière, de la diversité très belle des Églises, du dialogue islamo-chrétien, et ils le font de manière nouvelle, qui rompt avec la tradition précédente apologétique chrétienne de refus, de rejet (de l’autre). Michel Hayek, Youakim Moubarak, Georges Khodr ont une manière nouvelle d’aborder l’islam. Le deuxième point est une vision partagée de la réforme de l’Église et de la théologie au Liban. Certaines de leurs propositions sont magnifiques comme la restauration d’Antioche, l’Église des Arabes…»

« Le 3e trait de la théologie contextuelle libanaise, poursuit Antoine Fleyfel, c’est la théologie politique, qui aborde les questions de la laïcité, du confessionnalisme, du sionisme, de la cause palestinienne au Liban, de l’arabité. C’est une première au Moyen-Orient, où les chrétiens, de peur de représailles de la majorité musulmane, ont toujours préféré éviter ces questions. Certains textes de Mgr Grégoire Haddad ou de Mgr Georges Khodr sont quasiment militants, mais c’est pour l’amour de la vérité et non pour faire de la politique. La question de la Palestine est en rapport avec la problématique de l’injustice. Cette théologie contextuelle libanaise partage beaucoup d’aspects de la théologie de la libération (concept né en Amérique latine). C’est une théologie de la libération de l’homme. Mais le volet économique est beaucoup moins traité que le volet politique. »

Antoine Fleyfel exhume et présente donc de manière exhaustive, dans son ouvrage désormais recensé dans de nombreux pays européens, des écrits de grande valeur mais oubliés. « La guerre libanaise a notamment tari les recherches, mais elle a aussi été l’occasion d’un grand choc chez Youakim Moubarak et Michel Hayek concernant leurs recherches islamo-chrétiennes, explique Fleyfel. Enfin, ces hommes ont été les exclus de leur Église, ce qui a été un coup dur pour leurs écrits et leurs pensées. Depuis, il n’y a pas eu une génération de théologiens qui prenne le relais. » « Le père Mouchir Aoun, poursuit-il, a repris le flambeau entre 1995 et 2000 en tant que chercheur, philosophe et théologien. Il a de l’audace et va, dans le dialogue islamo-chrétien, jusqu’à parler de pluralisme théologique. »

Par rapport à la théologie occidentale, cette théologie occupe une place exclusive et unique. Le mérite de l’ouvrage d’Antoine Fleyfel est de lui accorder une place dans l’histoire de la réflexion religieuse et philosophique orientale, et de montrer qu’elle peut être un facteur de renouveau au sein des Églises arabes du Moyen-Orient.

Carole Dagher
L’Orient Le Jour
24.12.2011

Libanese theologen, Een theologie met elan, Pokrof, 01.12.2011

Pokrof2011

‘Mijlpalen voor een Libanese contextuele theologie’ is een proefschrift dat ik bij tijd en wijle met rode oortjes heb gelezen. De auteur, Antoine Fleyfel geeft de zaken helder weer. En het elan is voelbaar waarmee Fleyfels Libanese contextuele theologen al reflecterend en schrijvend nieuwe wegen zijn gegaan.

De meesten onder hen schreven tussen begin jaren ’50 en eind jaren ’70. De onafhankelijkheid van Libanon in 1943, zijn politieke structurering op basis van confessie (confessionalisme), het samenleven met de moslims in Libanon die zich evolueerden van minderheid naar meerderheid, de stichting van de Staat Israël in 1948 en de komst daardoor van Palestijnse vluchtelingen naar Libanon, en kerkelijk: de orthodoxe jeugdbeweging, de roep om vernieuwing in de Maronietische kerk, de oecumene en het Tweede Vaticaanse Concilie – het moeten evenzovele momenten geweest die deze theologen aanzetten tot hun soms eigenzinnige en voorheen ongekende visies.

Het betreft stuk voor stuk visionaire auteurs. Zo plaatst Hayek de islam in het geheel van de heilsgeschiedenis, de geschiedenis van Gods belofte, door terug te grijpen op Ismaël, de verstoten zoon van Abraham en diens slavin Hagar en als de voorvader der Arabieren beschouwd, meer in het bijzonder die van de moslims. Op deze wijze rehabiliteert Hayek als christelijk denker de islam. Hayek ziet ook een belangrijke rol weggelegd voor de oriëntaalse christenen, in het bijzonder de Maronieten, een katholieke oosterse kerk van de Syrische traditie. Moubarac gaat terug op Abraham zelf en beschouwt de islam – naast het jodendom en het christendom – als een authentieke vorm van ‘abrahamisme’. Tevens beijvert hij zich voor de eenheid van alle kerken van de traditie van Antiochië.

Khodr grijpt terug op de Byzantijnse theologie van de Logos spermatikos, letterlijk: ‘het (goddelijke) Woord met Zijn zaden’. Gods Woord dat mens werd in Jezus Christus “slaapt in de nacht van de godsdiensten” (Fleyfel in een samenvatting). In de mate dat ook de islam deze ‘zaden van het Woord’ in zich bergt, bevat zij een deel van de goddelijke waarheid. Deze voorbeelden geven alle drie aan hoe in de decennia voor de Libanese Burgeroorlog (1975-1990) christelijke theologen openingen maakten naar hun moslimse medeburgers en ze zich evenzeer inzetten voor de vernieuwing van de kerk. Mouchir Aoun zal jaren later de draad weer oppakken met prikkelende voorstellen om de islamitisch-christelijke dialoog nieuwe vitaliteit te geven. Antoine Fleyfel voelt zichzelf ook duidelijk in de lijn van de recente revitalisering staan van wat hij is gaan noemen de ‘Libanese contextuele theologie’.

De Libanese contextuele theologen
* Michel Hayek (*1928-†2005), Maronietisch priester, leefde 52 jaar in Frankrijk.
* Youakim Moubarac (*1924-†1995), Maronietisch priester, leefde 43 jaar in Frankrijk.
* Grégoire Haddad (*1924), Grieks-katholiek, aartsbisschop van Beiroet (1965-1975), afgezet door de synode van het Melkietische patriarchaat vanwege te afwijkende theologische meningen, thans titulair bisschop van Adna.
* Georges Khodr (*1923), Grieks-orthodox, aartsbisschop van Jbeil en de Berg Libanon.
* Jean Corbon (*1924-†2001), Fransman, vanaf 1959 levend in Libanon, Grieks-katholiek, priester.
* Mouchir Aoun (*1964), Grieks-katholiek, werkzaam als professor in Libanon

“IK KAN BIJDRAGEN AAN HET BRENGEN VAN DE THEOLOGIE UIT HET OOSTEN NAAR HET WESTEN”
Interview met Antoine Fleyfel

Dr. Antoine Fleyfel (*1977) blijkt een jong uitziende man te zijn, gestoken in modieuze zwarte kleren en met een ravenzwarte paardenstaart onder zijn zwierige hoed. Niet direct wat je je voorstelt bij een theoloog. Ik ontmoet hem, zojuist gearriveerd vanuit Frankrijk, aan het einde van de ochtend in de lounge van het hotel waar hij verblijft. Hij was al vroeg die dag naar het Belgische Leuven gereisd, om op de Faculteit van Godgeleerdheid aldaar met enkele anderen eind mei jl. een infomiddag toe te spreken. Titel van die bijeenkomst: ‘Christenen in het Midden-Oosten: hebben ze nog een toekomst?’. Het is een winderige maar verder haast midden-oosters zonnige dag en de stad Leuven blijkt, pal voor het hotel, druk doende om letterlijk aan de weg te timmeren. Over de opgebroken straten en door het opstuivende stof zoeken we ons een weg naar het restaurant aan het Stationsplein waar we het interview zullen houden.

Antoine Fleyfel heeft filosofie en theologie gestudeerd in Libanon (Kaslik) en Frankrijk (Parijse Sorbonne, Straatsburg), beide afgesloten met een doctoraat, waarvan het laatste in februari dit jaar in de theologie. Onderwerp van zijn theologisch proefschrift, inmiddels als boek uitgegeven, is wat met een mond vol ‘contextuele Libanese theologie’ heet. Welke bijdrages hebben Libanese christelijke theologen geboden en nog te bieden binnen de Libanese en Arabische context?

Beste dr. Fleyfel, kunt u zich voorstellen aan de lezers van Pokrof?
“Ik ben een Franse Libanees en ben filosoof en theoloog. Ik woon sinds 11 jaar in Frankrijk. Voor die tijd woonde ik heel mijn leven in Libanon. Ik verblijf zo’n 9 maanden per jaar in Frankrijk, 2 maanden in Libanon, waar ik ongeveer 4 keer per jaar naar toe ga, en 1 maand elders in het buitenland. Mijn specialiteit in de theologie is systematische theologie, contextuele theologie en verder alle problemen van de oosterse kerken.”

Hoort u zelf tot een oosterse kerk?
“Ja, natuurlijk. Ik ben Maroniet. Ik werd geboren aan het begin van de Libanese Burgeroorlog (1975-1990, red.). Ik heb het allemaal meegemaakt, zelfs tot in mijn vlees. Ik groeide op in Beiroet, in Ashrafieh (centrum van het oostelijke christelijke stadsdeel, red.).”

U schrijft over contextuele theologie – wat is dat?
“De theologie heeft traditioneel twee fundamenten: de Bijbel en de Traditie, voor katholieken en orthodoxen. Voor protestanten is dat alleen de Bijbel. Contextuele theologie is een nieuwe manier van theologie bedrijven, vanaf de jaren ’70. Niet alleen meer op basis van Schrift en Traditie – we hebben ook de context nodig, als een bron voor de theologie.”

Maar theologen namen voor die tijd toch ook de context in hun denken mee.
“Het is nu expliciet. Een theologische manier van spreken die niet contextueel is, wordt niet meer geaccepteerd. Je kunt geen zesde-eeuwse theologie nemen voor hedendaags Latijns-Amerika.”

Uw proefschrift heet ‘Mijlpalen voor een Libanese contextuele theologie’. Wat is er Libanees aan?
“Dat ze is gemaakt door Libanese theologen voor de Libanese context, met als doel een gelovig spreken dat beantwoordt aan de belangrijke problemen van Libanon: de dialoog tussen moslims en christenen, de hervorming van de kerken samen met de oecumene en de vernieuwing van de theologie, en de politieke theologie. De politieke theologie betreft drie zaken: de Libanese Burgeroorlog, de problematiek van het confessionalisme en secularisme en het Israëlisch-Palestijnse conflict, dat cruciaal is voor Libanon. Vanwege wat er in Palestina/Israël gebeurde, kwamen er vluchtelingen. Er zijn nu 400.000 Palestijnen in Libanon. Een probleem vanuit menselijk, demografisch en confessioneel oogpunt. Libanon is gevormd op basis van een evenwicht (tussen de confessionele groepen onder moslims en christenen, red.), maar dat evenwicht is verstoord. En dan is er de morele kant van de Palestijnse zaak. Tijdens de Libanese Burgeroorlog dacht de wereld dat alleen Libanees ‘links’, de moslims en de Druzen achter de Palestijnse zaak stonden, maar dat is niet waar. Ook een heleboel christelijke intellectuelen. Alle theologen die ik in mijn proefschrift behandel, stonden achter de Palestijnen. Om morele redenen. Wat in Israël is gebeurd is onrechtvaardig; we kunnen niet accepteren dat een volk wordt gemarteld. En omdat ze Arabieren zijn net als wij. Israël is een kunstmatig lichaam, vreemd. Mensen kwamen van elders hierheen. Moslims zeggen dat, maar ook de christenen. We moeten naar een oplossing zoeken.”

U spreekt over mijlpalen. Mijlpalen ook naar de toekomst toe?
“Ja. Ik ben de eerste die spreekt over ‘Libanese contextuele theologie’. Ik deed onderzoek naar de contextuele theologie en daarna over de locale Libanese theologen. Ik ontdekte dat de manier waarop die theologie bedreven, contextuele theologie is. Voor een eerste poging kan ik niet pretenderen dat ik alle aspecten op een afdoende manier heb behandeld. Daarom past mij nederigheid. Ik presenteer als mijlpalen wat ik in de contextuele theologie heb gevonden en als fundamenteel beschouw.”

U schrijft over 5 of in feite 6 grote Libanese persoonlijkheden. Allemaal horend tot een van de oosterse kerken. Allemaal Libanezen, behalve Jean Corbon die, van Franse komaf, in Libanon woonde. Allemaal priester, behalve Mouchir Aoun.
“Aoun wás priester, maar zegt dat niet graag. Alle zes snijden ze de hoofdzaken aan die de christenen in Libanon aangaan, voor nu en voor de toekomst, de drie zaken die ik al noemde: de christen-moslimdialoog, de kerkvernieuwing plus oecumene en de politieke theologie – ieder op zijn manier. Corbon sprak niet over dialoog en politieke theologie; hij concentreerde zich op de oecumene. Daarom spreek ik liever over 5 dan over 6 theologen. George Haddad schreef niet over de christen-moslimdialoog; hij vond dat die gelééfd moest worden.”

Maar bisschop Haddad is toch door zijn Grieks-katholieke Kerk op een zijspoor gezet, omdat hij Mohammed een profeet noemde?
“Haddad zei dat inderdaad. Dat zeiden ze allemaal in feite; soms wordt ook gezegd dat Mohammed op een verkeerde manier profeet was. Je moet een heleboel details uitleggen om dat alles te begrijpen. Zij allemaal rehabiliteren de islam: Hayek, Moubarac, Khodr: ‘De islam is geen valse godsdienst en Mohammed geen valse profeet.’ Dat is de gemeenschappelijke grond waarop deze theologen staan. Wat belangrijk is, is dat contextuele theologie fundamenteel pluralistisch is. Deze theologen hebben allemaal verschillende standpunten, maar die verschillen zijn niet per se onverenigbaar of tegenstrijdig. Het zijn visies die open staan voor grote vergezichten. Dat is het tegengestelde van een dogmatische manier van denken.”

Hoe moeten we dan aartsbisschop Khodr plaatsen? Hij is iemand die de oosters-orthodoxe theologie met haar wezenlijke waarheid die nooit verandert, plaatst tegenover wat hij als typisch westers beschouwt: iedere 10 jaar een nieuwe theologie over dit of dat thema: bevrijdingstheologie, feministische theologie…?

“Khodr heeft twee lijnen van spreken. Hij is gehecht aan de traditie van zijn kerk, maar staat tegelijkertijd open voor het gesprek met de wereld, met andere kerken, met andere godsdiensten en met het humanisme. Met te zeggen dat er in de islam de ‘zaden van het Woord’ zijn, zit hij helemaal binnen de Byzantijnse orthodoxe theologie. Dat is iets anders dan de theologie van Hayek of Moubarac die echt nieuwe wegen inslaan. Maar Khodr contextualiseert deze boodschap (van de Byzantijnse orthodoxe theologie, red.), door ze toe te passen op de islam. Hij is ertegen om de islam als een duivelse religie te zien.”

Wanneer ontwikkelde Khodr zijn ideeën over de ‘zaden van het Woord’?
“In de jaren ’70.”

Maar het Tweede Vaticaanse Concilie (1962-1965) zei toch hetzelfde…
“Vaticanum II geeft een hoofdlijn, Khodr zegt het uitdrukkelijker. Hij geeft zelden zijn bronnen, je moet ze zelf zoeken: de orthodoxe theologie, Vaticanum II… De manier waaróp hij het zegt, binnen de Libanese context…, dáármee contextualiseert hij de boodschap.”

Tussen Mouchir Aoun en de andere contextuele theologen zit 40 jaar. Wat is daarvan de reden?
“De Libanese Burgeroorlog! Deze was een grote teleurstelling voor deze theologen. Hayek stopte met schrijven, op enkele publicaties na. Moubarac zette zijn onderzoekingen rond de dialoog tussen moslims en christenen stop, omdat deze op hetzelfde moment elkaar aan het vermoorden waren. Khodr ging door. Haddad kreeg in 1975 een boel problemen, hij schreef nog wat artikelen en hield daar toen mee op. De Libanese Burgeroorlog deed de theologen het schrijven staken en verhinderde tevens dat nieuwe theologen opstonden. Er waren nog wel wat pogingen in de vorm van enkele publicaties, colloquia en conferenties. Maar de sfeer in de Burgeroorlog was: voordat we denken, moeten we eten en een dak boven ons hoofd hebben. Toen deze oorlog voorbij was, begon Aoun met zijn theologische reflectie. Het Instituut van de jezuïeten in Beiroet voor de christelijk-islamitische dialoog functioneert nog steeds, maar dat gaat meer over cursussen om elkaar te ontmoeten en te leren kennen, te respecteren en te accepteren. Er komt een moefti vertellen over de islam en een priester over het christendom. ’n Heleboel geschiedenis ook. Maar het is geen theologische dialoog op de manier van deze contextuele theologen die nieuwe vergezichten creëren.”

Zijn er bij de contextuele Libanese theologen manieren van theologiseren die typisch behoren tot hun eigen traditie, bijvoorbeeld die van het Syrische christendom.
“Specifiek van de Syrische traditie zijn mensen als Hayek en Moubarac, Ze beschouwen zich als Maronieten. Dat kan niet missen. Ze zien een roeping voor de Maronietische Libanezen, de roeping van het Syrische christendom. En Khodr is orthodox. Dat kan ook niet missen. Bij Haddad, Corbon en Aoun ligt het weer anders. Bij hen ligt de nadruk op de Arabische identiteit. In de Melkietische Grieks-katholieke Kerk is dat wel niet het hoofdspoor, maar haar Arabische identiteit is een onderdeel van haar traditie. Ze waren in de 19e en 20e eeuw zeer Arabisch en nemen dat mee in hun erfgoed. Ieder neemt zijn eigen erfgoed met zich mee. Zeer Syrisch. Zeer Arabisch. Zeer contextueel.”

Uw contextuele Libanese theologen leefden voor een belangrijk deel in het buitenland: Moubarac en Hayek zelfs tientallen jaren! En hoe ziet u uzelf als een Libanees en theoloog die in het buitenland woont? Hebt u het idee dat u een bijdrage kunt leveren.
“Het is erg vreemd dat de meeste Libanese en zelfs Arabische denkers in het buitenland woonden. Ze waren gehecht aan Libanon toen ze het land verlieten. Neem Khalil Gibran die ook in het buitenland woonde. Vanuit een kritische distantie kun je de context waarderen waarin je hebt geleefd. Je kunt profiteren van de andere horizon. Ik heb dat zelf, wonend in Frankrijk, Denemarken en Duitsland, ook kunnen doen. Het is geen handicap; het heeft me geholpen de horizon te verwijden. Alle contextuele Libanese theologen woonden hier in Europa, maar je blijft aan je land denken. Ik kan bijdragen aan het theologische landschap in Libanon. Ik ga vier per jaar naar Libanon, zo’n twee maanden in totaal. Ik heb het gevoel alsof ik in Libanon woon. Ik leg mijn oor te luisteren bij mijn vrienden daar. En, met internet is de wereld een groot dorp. Ik beschouw mezelf bijna als daar levend. Ik fungeer als een brug. Ik kan de rijkdom van de westerse theologie naar Libanon brengen. Contextuele theologie ontstond tenslotte in het westen. Maar de brug is er één naar twee kanten toe: ik kan tevens bijdragen aan het brengen van de theologie uit het Oosten naar het Westen.”

Leo van Leijsen
Pokrof (Nederland)
Jaargang 58, Nummer 5, Nov-Dec 2011, p. 15-18.

Teaching Lebanese to Francophones and “victims of love”, Daily Star, 12.12.2008

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Les activités de la jeunesse libanaise à Parisَ, Al-Massira, 16.04.2007


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