« La théologie contextuelle arabe. Modèle libanais, Paris, L’Harmattan, avril 2011, 332 p. », est un livre récent du Dr Antoine Fleyfel, qui aborde la problématique de la théologie contextuelle pour la première fois dans le contexte libanais.
Fleyfel veut souligner la contextualité de certaines réflexions théologiques libanaises locales, tout en inscrivant leurs méthodes dans le sillage des méthodes universelles de la théologie contextuelle. Cela permet à l’écrivain d’établir les défis de la théologie libanaise et ses horizons d’avenir. La construction de cet ouvrage se fait en trois étapes. Le premier chapitre analyse les pensées de théologiens qui ont essayé de définir l’essence de la théologie contextuelle, méthode théologique nouvelle qui a vu le jour dans les années 1970. Si les théologies traditionnelles s’appuient sur deux sources pour élaborer leurs systèmes, la théologie contextuelle s’appuie sur une troisième source qu’elle considère souvent de la même importance : le contexte. La théologie de la libération en Amérique du sud est un exemple type de théologie contextuelle. Celle-là a considéré l’état de pauvreté et de misère vécu par les peuples comme une source théologique pour la compréhension de Dieu et de l’évangile du Christ. Les chapitres deux, trois, quatre, cinq et six étudient les pensées des théologiens suivants : Michel Hayek, Youakim Moubarac, Grégoire Haddad, Georges Khodr et Mouchir Aoun. Les analyses de ces pensées théologiques mettent en valeur leurs aspects contextuels uniques qui abordent la théologie d’une manière nouvelle et subtile, et qui se différencie souvent des méthodes théologiques classiques. Quant au septième et dernier chapitre, il définit d’une manière ordonnée le contenu de la théologie contextuelle arabe libanaise, ses problématiques actuelles et ses perspectives d’avenir.
La théologie contextuelle arabe libanaise s’appuie sur quatre jalons. Premièrement, elle aborde le dialogue islamo-chrétien d’une manière nouvelle. Ainsi, l’islam n’est plus considéré comme la religion de la fausseté et de l’égarement, ni le Prophète Mahomet comme un prophète mensonger, tel que le croyaient beaucoup de théologiens chrétiens arabes qui ont vécu durant les siècles passés. Au contraire, la théologie contextuelle arabe condamne radicalement ces conceptions, et inscrit l’islam et son Prophète dans la vérité de Dieu. Cela a une grande incidence sur le dialogue interreligieux. Deuxièmement, la théologie contextuelle arabe libanaise insiste sur l’importance de la réforme de la théologie et des Églises. Il est d’ores et déjà impossible pour les Églises de penser, d’agir et de parler avec le monde comme elles le faisaient durant les siècles passés. Ainsi, il leur incombe d’être constamment en état de réforme, de renouveau et de dialogue avec la modernité et le monde actuel. Cette réforme devrait être accompagnée par une réforme de la théologie locale qui souffre de la lourdeur des traductions et du copiage, du grand nombre d’écrits historiques, pieux et sentimentaux, et de la grande rareté des études théologiques systématiques et fondamentales locales, originales et actuelles. Quant à l’œcuménisme, il est une nécessité incontournable puisqu’aucun témoignage authentique des Églises n’est possible sans se mettre sur les voies de la communion ecclésiale. Troisièmement, la théologie politique est considérée comme une élaboration nécessaire qui réfléchit d’une manière croyante autour des questions centrales pour le contexte libanais, comme la guerre libanaise, le confessionnalisme et la laïcité, la cause palestinienne et le sionisme. Il est remarquable de constater que tous les théologiens abordés par cet ouvrage sont opposés au confessionnalisme, et adhèrent tous à une forme de laïcité, chacun à sa manière, d’une façon très réservée ou explicite, voire militante. Quant au sionisme, ils le condamnent et le considèrent criminel et responsable des grands malheurs des arabes et des souffrances du peuple palestinien. La théologie libanaise tient beaucoup à la convivialité des chrétiens, musulmans et laïcs au sein du contexte libanais, considéré comme l’anti-modèle de l’État sioniste raciste. Quatrièmement, la théologie contextuelle arabe libanaise est une théologie de la libération, parce que l’homme arabe a besoin d’être libéré de la pauvreté, de l’occupation, de l’ignorance, du confessionnalisme, du fanatisme, de l’asservissement à des régimes corrompus et tyranniques, et de l’hégémonie de certains États étrangers. Mais la libération commence, comme le dit Michel Hayek, par la libération de l’homme intérieur. La liberté n’est pas possible si son point de départ n’est pas intérieur.
Cet ouvrage a paru dans la collection fondée par l’auteur, et intitulée : « Pensée religieuse et philosophique arabe ». Cette collection s’apprête à imprimer plus de dix livres de théologiens et philosophes libanais et arabes dans les deux années à venir. Le mois prochain paraîtra le deuxième volume de la collection, un ouvrage du philosophe libanais Paul Khoury ayant comme titre : « Islam et christianisme. Dialogue religieux et défi de la modernité ».
Antoine Fleyfel est docteur en philosophie de l’Université Paris I – Sorbonne (2007), et docteur en théologie de l’Université de Strasbourg (2011). Une table ronde aura lieu à Antélias autour de son dernier ouvrage le jeudi 9 juin 2011 à 18h30 précises. Trois théologiens discuteront de ce livre, les pères professeurs : Paul Rouhana (maronite), Georges Massouh (grec orthodoxe) et Gaby Hachem (grec catholique). L’auteur signera son livre à l’issu de la table ronde.
L’Orient Le Jour
09.06.2011
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